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Festival Opus de Gattières : L’amico Fritz de Mascagni : le murmure délicat d’un opéra à l’ombre des cerisiers

Festival Opus de Gattières : L’amico Fritz de Mascagni : le murmure délicat d’un opéra à l’ombre des cerisiers

samedi 19 juillet 2025

©Sophie Kilian

Après les éclats de grâce de La Rondine de Puccini en 2024, le Festival Opus Opéra de Gattières, fidèle à sa sensibilité singulière, a choisi pour sa 36e édition une œuvre plus rare, plus secrète : L’Amico Fritz de Pietro Mascagni. Un choix audacieux et raffiné. «Une comédie lyrique d’inspiration pastorale au charme ravélien », annonce sobrement la note d’intention du programme de salle. Mais ici, c’est surtout un charme voilé, une musique du sentiment discret qui se déploie. L’intensité se niche dans les silences, caresse plus qu’elle ne s’impose : là se glisse tous les attraits de cette production.

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©Sophie Kilian

Une idylle villageoise comme une fraîche et intimiste aquarelle.

Dans la lumière douce d’une campagne idéalisée, se tisse l’histoire de Fritz, opulent propriétaire terrien, peu enclin à se laisser prendre au jeu de l’amour, et de Suzel, jeune fille discrète dont la fraîcheur viendra doucement éveiller le cœur endormi de celui qui, jusqu’alors, se croyait inflexible à pareil sentiment.

Pour narrer cette tendre idylle champêtre, Pietro Mascagni, sur un livret de P. Suardon inspiré du roman d’Erckmann et Chatrian, compose en 1891 L’Amico Fritz, une comédie lyrique d’une bucolique délicatesse, comme peinte à l’eau claire, bien loin de la tension âpre et solaire de Cavalleria Rusticana, drame vériste sicilien créé l’année précédente.

Ici, pas de fracas ni de passions criées : seulement une musique diaphane, vibrante d’émotions retenues. Une partition d’orfèvre dont les couleurs orchestrales se mêlent en touches légères, parfois chatoyantes, souvent tendres, dessinant un paysage sonore presque impressionniste.

C’est cette partition qui émerveilla le célèbre auteur dramatique anglais George Bernard Shaw, lequel écrivait à l’occasion de la création londonienne de l’opéra  : « Je crois pouvoir résumer cette œuvre en disant qu’elle a tous les charmes d’un beau jour férié ».1

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©Sophie Kilian

Sobriété scénique et délicatesse orchestrale : une harmonie raffinée

La mise en scène de Jeanne Pansard-Besson épouse à merveille cette atmosphère ludique et intime. Dans un bar de village – celui de Gattières lui-même ? – à l’ombre d’un arbre séculaire, quelques amis devisent gaiement. Au centre, le maire : figure bienveillante et malicieuse, maître du jeu amoureux, faiseur de destin sans en avoir l’air. La trame est simple, mais chaque détail scénique ajoute à cette impression d’intimité chaleureuse.

Point de surcharge ni d’ornements inutiles : la sobriété devient ici source de beauté. Le geste juste, le regard sincère, le silence s’imposent par leur naturel. L’épure scénique offre un écrin parfait à la délicatesse musicale, et permet aux personnages de vibrer avec une vérité d’autant plus touchante qu’elle reste discrète. L’ensemble est porté par une direction d’acteurs précise et vivante, qui sait capter l’essentiel sans jamais le surligner ni laisser place à la moindre lassitude.

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©Sophie Kilian

Une comédie lyrique pour les amateurs de subtilité

L’Amico Fritz n’est pas œuvre à éblouir par l’éclat. Il s’adresse à ceux qui goûtent les demi-teintes, les frissons à peine murmurés, la pudeur des élans sincères. Rien ne heurte, tout s’esquisse. Et ceux qui savent écouter ce qui ne se dit qu’en creux, ceux qui frissonnent à l’aube du subtil, seront comblés. L’orchestre, toujours tendre, jamais clinquant, sert cette comédie lyrique toute en finesse. Parmi ses joyaux, l’Intermezzo déploie des teintes nuancées, et surtout, à l’acte II, le célébrissime  «Duo des cerises » véritable bijou d’élégance et de sensualité – l’un des plus séduisants de tous les opéras de Mascagni – déploie un charme irrésistible, riche d’une palette instrumentale d’une rare variété suspendue, comme cueillie à fleur de branche.

Une direction musicale précise et transparente

Sous la baguette élégante de Barbara Dragan, l’Orchestre Philharmonique de Nice joue avec souplesse, précision et une véritable écoute des respirations de la partition. Rien n’est appuyé ni figé. La cheffe alterne tendresse bucolique, sensualité douce et nostalgie diffuse avec un sens du détail rare.

Un moment de grâce illumine l’acte I : Věra Nováková, au violon solo, offre une parenthèse suspendue, d’une virtuosité fluide et habitée. Comme un fil de soie entre les branches, la musique relie doucement deux âmes qui ne savent pas encore qu’elles s’attirent…

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©Sophie Kilian

Des voix qui épousent le lieu et l’âme de l’œuvre

Charlotte Bonnet, dans le rôle de Suzel, irradie d’une lumière douce et vraie. Sa voix claire, à la fois légère mais pour autant puissante, s’élève avec aisance, dessinant avec justesse toutes les nuances de son personnage. Elle capte l’attention sans jamais s’adonner au jeu de la séduction, entre retenue et éveil amoureux. C’est là tout son secret : un enchantement discret, émouvant et profond !

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©Sophie Kilian

Davide Battiniello esquisse un Fritz sincère et crédible, porté par un timbre séduisant et une ligne de chant châtiée même si l’ampleur et le registre aigu demandent encore à se libérer pleinement.

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©Sophie Kilian

Ivan Thirion (David) s’impose avec un baryton solide, coloré, habité d’un tempérament de comédien généreux.

Noelia Ibáñez, à tous égards parfaite dans le rôle de Beppe, mêle avec aisance virtuosité musicale et naturel théâtral.

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1 Note d’intention du programme de salle

Dans les rôles secondaires, Alan Starovoitov (Hanezò), Pierre Eladlia (Federico) et Milena Lohachova (Caterina) apportent leur jeunesse et leur spontanéité avec une conviction lumineuse, s’inscrivant avec justesse dans le tissage d’ensemble.

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©Sophie Kilian

Une production servie avec autant de soin que de finesse

Dans l’écrin de pierres du Festival Opus de Gattières, cette production de L’Amico Fritz aura laissé l’empreinte d’un instant d’harmonie. Pas de tapage, pas d’effets : juste la beauté d’un opéra servi avec tact, délicatesse et amour du détail, porté par une programmation qui mise avec discernement sur des artistes prometteurs. Une œuvre rare, que le festival a su révéler avec talent, dans l’intimité partagée d’un soir d’été.

Nathalie AUDIN
19 Juillet 2025

1 Note d’intention du programme de salle

Direction musicale : Barbara Dragan
Mise en scène : 
Jeanne Pansard-Besson

Distribution :

Fritz : Davide Battiniello
Suzel : Charlotte Bonnet
Beppe : 
Noelia Ibáñez
David : Ivan Thhirion
Hanezò : Alan Starovoitov
Federico : Pierre Eladlia
Caterina :Milena Lohachova 

Orchestre Philharmonique de Nice

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