Il est difficile pour les amateurs d’opérettes d’assister à des spectacles de qualité. Ils ne disposent plus que de Baden, Mörbisch et, bien sûr, la pittoresque ville thermale de Bad Ischl, où l’empereur François Joseph et « Sissi » passaient autrefois les mois d’été. Le Festival Franz Lehàr propose chaque année deux productions scéniques et également une rare opérette sous forme semi-scénique.
Cette année, Der Bettelstudent (L’étudiant pauvre) de Carl Millöcker est au programme du Festival Lehàr.
Der Bettelstudent est une opérette en trois actes composée par Carl Millöcker sur un livret de Richard Genée et F. Zell (pseudonyme de Camillo Walzel), créée le 6 décembre 1882 au Theater an der Wien à Vienne.
Considérée comme parmi les plus importantes opérettes viennoises, son succès met Millöcker à l’abri du besoin et lui permet d’abandonner son poste de chef d’orchestre au profit de la composition.
Basée sur Les Noces de Fernande de Victorien Sardou, elle connut un grand succès étant reprise dès 1883 à New York, d’abord au Thalia Theatre en version originale, puis au Casino Theatre de Broadway en version anglaise. Elle vit la première à l’Alhambra Theatre de Londres en 1884. La première adaptation française, écrite par Alfred Hennequin et Albin Valabrèque eut lieu le 10 janvier 1885 à Bruxelles, suivie le 18 janvier 1889 par une reprise au Théâtre des Menus Plaisirs à Paris.
L’action se situe en 1704 à Cracovie, sous le règne de Frédéric-Auguste 1er, prince de Saxe et Roi de Pologne.
Résumé
Blessé dans son amour propre, l’arrogant Colonel Ollendorf élabore un plan de vengeance. Deux étudiants recrutés en prison sont censés jouer les rôles principaux C’est le signal de départ des situations les plus drôles du répertoire, car le plan visant à humilier la belle comtesse Laura tourne mal. Une belle agitation vivante et colorée, des danses endiablées, des airs connus mondialement tels que : « Ach, ich hab’sie ja nur auf die Schulter geküsst », « Soll ich reden, darf ich schweigen ? Ich setz’den Fall » ou encore « Ich hab’ kein Geld, bin vogelfrei » voilà le thème principal de cette opérette qui parle de jeunes qui, avec insouciance, passion et humour, se défendent contre toutes contraintes, qu’elles soient politiques ou sociales.
Dans la production de cette année, la réalisatrice Angela Schweiger transpose l’intrigue de l’opérette de 1704 de Cracovie occupée par les Saxons à l’année 1989, précisément au jour de la chute du Mur de Berlin. Un jeune anticommuniste Jan, affichant le mot « Liberté » sur un vilain mur de béton est arrêté, tandis qu’un chanteur « pop » accroche des affiches pour son concert. Il tombe par hasard sur une « ancienne » cassette musicale où est enregistrée l’opérette de Millöcker. Il met la cassette en marche, s’endort…et rêve du « Bettelstudent ». et, alors seulement, commence la véritable histoire, dans une scénographie pratique, plaisante et originale de Markus Olzinger, avec de magnifiques et chatoyants costumes créés par Sven Binsel. Tout se passe vite, très vite, dans un rythme endiablé.
Le plateau vocal est à la hauteur de l’attente : de jeunes et bons chanteurs, comédiens et danseurs également. Les rôles des 3 jeunes femmes à la personnalité très forte sont admirablement tenus par Miriam Portmann (comtesse Palmatica pauvre mais résolue et avec beaucoup d’humour).
Corina Koller dans le rôle de Laura possède une voix très épanouie et enfin Loes Cools dans celui de sa sœur Bronislawa, espiègle à souhait. Le ténor Paul Schwester a chanté le rôle-titre avec beaucoup de conviction, d’ une voix aux nuances fondantes. Le jeune baryton viennois Christoph Gerhardus fait bonne figure vocalement et scéniquement dans le rôle de Jan.
Martin Acrainer a interprété le rôle du colonel Ollendorf d’une manière un peu inhabituelle Contrairement à la tradition, il représente un officier encore relativement jeune, un peu inexpérimenté en matière d’amour, mais à aucun moment idiot. Sa voix est très agréable.
Les autres participants, le Lehàr Festival Chor, le ballet ont également contribué au succès de ce spectacle. Markus Burkert, chef d’orchestre du Festival Lehàr depuis 2004 et premier chef d’orchestre de l’Opéra de Graz depuis 2007 a mené l’Orchestre Franz Lehàr, tambour battant, assurant une interprétation musicale très vivante, entraînante des mélodies immortelles de Carl Millöcker.
Les applaudissements enthousiastes du public conquis étaient plus que mérités.
Un pur bonheur d’écouter et de voir cette opérette au Festival Franz Lehàr de Bad Ischl, capitale européenne de la culture en 2024, avec toujours cette petite touche satirique, qui rajoute à l’enthousiasme du public !!!
Marie-Thérèse Werling
10 août 2024
Direction : Marius Burkert
Mise en scène : Angela Schweiger
Chorégraphie : Lukas Ruziczka
Scénographie : Markus Olzinger
Costumes : Sven Bindseil
Lumières : Johann Hofbauer
Chef de chœur : Matthias Schoberwalter
Distribution :
Palmatica : Miriam Portmann
Laura : Corina Koller
Symon Rymanowicz : Paul Schweinester
Jan Janicki : Christoph Gerhardus
Bronislawa : Loes Cools
Oberst Ollendorf : Martin Achrainer
Rittmeister von Henrici : Markus Raab
Enterich : Walter Sachers
Major Wangenheim :Ivo Kovrigar
Piffke : Claudiu Sola
Puffke & Bogumil : Tim Winkelhöfer
Richthofen : Philip Paganini
Lieutenant Schweinitz : Ana Maric