.Le Festival de Mörbisch : la scène la plus vaste des festivals d’été pour l’opérette ou la comédie musicale
Le pari de la comédie musicale se révèle sans doute payant puisque Mamma Mia ! jouée à guichets fermés a réuni 180.000 spectateurs avec 30 représentations (en juillet et août). Le soir où nous assistions au spectacle, plus une seule place n'était évidemment disponible (rappelons que cette vaste enceinte comporte 6.000 places). On sait, par ailleurs, que le Festival de Mörbisch possède la plus vaste scène des festivals d’été pour ce qui concerne l’opérette ou la comédie musicale, un peu l’équivalent par exemple de celle du Théâtre antique d’Orange pour l’opéra.
Pour ce qui concerne Mamma Mia ! c’est donc tout le quartier d’un village grec qui est reconstitué avec une multitude de batiments superposées, soit côté cour une architecture de plusieurs églises, trois clochers et un dôme, et côté jardin une salle de sport s’ouvrant à l’extérieur sur une grande piscine accolée à un bar. Le théâtre construit sur un lac découvre en bord de scène une plage de sable ainsi qu’un quai avec des barques qui vont et viennent. Au centre de la scène se trouve la taverne de Donna dotée d’un plateau tournant qui permet de passer d’un lieu à un autre avec au deuxième acte une immense sphère de type « mappemonde » pouvant s’ouvrir et se fermer pour des effets spéciaux. Au fond du plateau à droite comme à gauche ont été érigés deux immenses écrans pour des projections vidéos. On a installé au lointain un immense tableau représentant l’Acropole avec tout un quartier d’Athènes(2).
Désormais, on le sait, l’orchestre n’est plus en fosse, comme par le passé, mais en coulisses avec le chœur pour un plus grand dégagement du plateau.
Un pont métallique en arc de cercle surmontant la scène permet d’apporter un complément particulièrement efficace aux effets lumineux. Il faut par ailleurs dans une enceinte de pareilles dimensions, louer la qualité de la sonorisation qui met en œuvre des moyens technologiques considérables. Mais le résultat est au-delà de toutes espérances car les voix des interprètes apparaissent parfaitement présentes et superbement définies, et l’équilibre chant/orchestre s’avère absolument parfait.
.Le scénario : une histoire de famille avec trois pères potentiels… pour une seule fille !
L'intrigue de la comédie musicale se concentre autour de certains succès du groupe de musique suédois ABBA, composés par Benny Andersson et Björn Ulvaeus, deux anciens membres du groupe, impliqués dans le développement de la comédie musicale depuis l’origine. Le livret est signé Catherine Johnson et la création de cette œuvre a eu lieu le 6 avril 1999 au Prince Edward Theatre du West End. Elle a été jouée de 2001 à 2015 au Winter Garden Theater de Broadway.
L’action se déroule sur l'île grecque fictive de Kalokairi où Sophie, une jeune fille prépare son mariage avec son fiancé Sky. Elle veut que son père l'accompagne à l'autel mais ne le connaît pas. Sur le journal intime de sa mère, Sophie découvre les liaisons qu’elle a entretenues avec trois hommes : Sam, un américain, Bill, un australien et Harry, un anglais. Elle pense que l'un de ces hommes est indubitablement son père et leur envoie à chacun une invitation à son mariage sous le nom de sa mère sans que cette dernière ne soit au courant. Plus tard dans la journée, les trois possibles pères de Sophie arrivent en barque sur l'île. En réalité, personne, même pas Donna, ne sait qui est le véritable géniteur de Sophie, ayant passé la nuit avec les trois hommes à des intervalles très courts !
Sky, le fiancé de Sophie découvre que cette dernière a invité Sam, Harry et Bill au mariage. Il l'accuse d’avoir voulu une grande cérémonie juste afin de découvrir son véritable père, blessé à l'idée que sa fiancée ait gardé son plan secret. Le mariage commence et Donna accompagne Sophie à l'autel. Toutefois, la question de la paternité de la jeune fille reste sans réponse, car personne ne parvient à savoir qui est son véritable père. Cela importe peu, car elle les aime tout autant tous les trois tandis que ces derniers sont heureux pour leur part d'être « un tiers de père » pour elle.
.Une distribution qui n’a rien à envier à celles de Broadway
La vertu de Mörbisch – qu’il s’agisse de l’opérette ou de la comédie musicale – est de toujours proposer des artistes de premier plan ayant à la fois, le physique des rôles mais aussi des qualités haut de gamme aussi bien sur le plan du théâtre, du chant et de la danse. Ils ne dépareraient pas dans un film. De surcroît, il existe deux distributions avec des rôles en alternance chaque soir puisqu’il y a des semaines où le spectacle est programmé tous les jours. On est dans l’excellence quelle que soit la distribution d’un jour ou d’un autre.
On englobera donc l’ensemble des interprètes dans un même éloge qu’il s’agisse du trio trépidant des femmes Donna (Bettina Mönch), Tanja (Ines Hengl-Pirker) et Rosie (Milica Jovanovic) ou de celui des trois pères si différents mais tout autant superlatifs : Sam (Lukas Perman), Bill (Peter Lesiak) et Harry (Christof Messner). Les deux jeunes héros Sky (Timotheus Hollweg) et Sophie (Anna-Rosa Döller) possèdent aussi l’allure, la fraîcheur et le dynamisme pour incarner au mieux leur rôle d’amoureux.
Outre les principaux emplois, cette production est composée d’une trentaine de danseurs et danseuses qui brûlent les planches par leur allant, leur tonus, leur virtuosité.
Le public qui assistait à cette représentation était particulièrement enthousiaste, nombre de jeunes femmes portaient sur la tête des mini-couronnes lumineuses et bien évidement les chansons du groupe Abba entrées dans la légende étaient reprises en chœur par les spectateurs qui tapaient des mains et dansaient au final comme dans un spectacle de variétés
.A l’affiche en 2024, My Fair Lady
L’année prochaine, le spectacle à l’affiche sera My Fair Lady de Frederik Loewe et c’est l’une des rares comédies musicales déjà représentée à Mörbisch (en 2009 avec en alternance Michael Maërtins et Daniel Morgenroth pour Higgins et Nadine Zeintl et Katrin Fuchs pour Eliza dans une mise en scène de Helmuth Lohner). Mais il s’agira bien évidemment pour la circonstance d’une nouvelle production.
Marie-Catherine Guigues
12 août 2023
(1)C’est désormais le Festival du Château de Tabor qui a pris le relais de l’opérette avec successivement La Veuve joyeuse, Sissy et cette année La Belle Hélène.
(2) Dans ce lieu gigantesque, on se souvient entre autres de My Fair Lady où toute une partie de Londres était reconstitué avec le pont sur la Tamise, d’un Violon sur le toit où un train passait au-dessus de la scène ou encore du dernier West Side Story où un quartier entier de New-York était le centre de l’action. Il va de soi, qu’aucun lieu au monde ne peut proposer spectacle de ce type dans des dimensions aussi gigantesques.
Direction musicale : Michael Schnack
Mise en scène : Andreas Gergen
Chorégraphie : Jonathan Huor
Décors : Walter Vogelweider
Costumes : Aleksandra Kica
Conception lumières : Andreas Fuchs
Donna :Bettina Mönch
Sophie : Anna Rosa Döller
Sam : Lukas Perman
Bill : Peter Lesiak
Harry :Christof Messner
Sky : Timotheus Hollweg
Tanja : Ines Hengl-Pirker
Rosie : Milica Jovanovic
Orchestre, chœur et ballet du Festival de Mörbisch.
