Comme la majorité des concerts du Festival Berlioz, celui du soir est donné dans la cour du château Louis XI, un espace extérieur aménagé de gradins et recouvert d’une toiture qui lui donne un peu l’allure d’une salle fermée. Il faut cependant un petit temps d’adaptation à l’oreille pour se faire à l’acoustique du lieu, mais c’est surtout de la chaleur que souffrent artistes et public en cette édition 2023 surchauffée par la canicule.
Davantage qu’à un concert Berlioz, natif de La Côte-Saint-André et compositeur auquel est dédiée la manifestation, c’est à une plus longue promenade musicale que nous convient l’orchestre du Cercle de l’Harmonie et son chef et fondateur Jérémie Rhorer. Le programme commence en effet avec l’ouverture des Créatures de Prométhée de Beethoven, partition créée en 1801 pour le ballet de Salvatore Viganò. On y entend d’abord des timbales solennelles, puis des cordes vif-argent associées à des bois moelleux.
Une inversion des pièces indiquées sur le programme de salle donne ensuite la place à Harold en Italie, « symphonie en quatre parties avec alto principal ». Composée en 1834 par Berlioz à la demande de Paganini, à la suite d’une audition enthousiaste de sa Symphonie fantastique, la nouvelle partition décevra le violoniste qui souhaitait à cette occasion tester son nouvel alto. Le musicien reprochait le manque de virtuosité et la sollicitation trop peu intense de l’instrument solo (« Ce n’est pas cela ! Je me tais trop longtemps là-dedans ; il faut que je joue toujours. »). C’est en effet l’orchestre qui a le rôle principal tout au long de l’ouvrage, l’alto solo intervenant un peu par touches. Et c’est aussi l’impression que laisse l’altiste Paul Zientara, jouant son instrument avec délicatesse et raffinement, mais dans un volume trop discret qui affaiblit sa présence en tant que soliste.
Le Cercle de l’Harmonie se montre quant à lui très séduisant, la formation jouant sur instruments d’époque dans un son certes moins métallique et agressif à l’oreille, mais pas exempt de brillant non plus, un très juste équilibre en somme. Au rythme lent et presque funèbre comme d’un Requiem du démarrage succèdent des séquences très caractéristiques de Berlioz, avec pizzicati, certaines notes stridentes au piccolo, des échanges entre alto et orchestre et de superbes mélodies qui peuvent évoquer par instants son futur Benvenuto Cellini (1837). Les grands crescendos de cuivres et percussions sont aussi présents, mais aussi de superbes tapis de cordes, comme ceux du deuxième mouvement qui reviennent en ostinato. Les solistes aux bois assurent avec maîtrise leurs passages très exposés, comme le hautbois ou le cor anglais pour un troisième mouvement plus guilleret et montagnard (intitulé « Sérénade d’un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse »). On retrouve au dernier mouvement (« Orgie de brigands. Souvenirs des scènes précédentes ») les formidables cassures de rythmes du compositeur, très bien mises en place ce soir par Jérémie Rhorer, qui donne aussi du brillant à un finale particulièrement enlevé.
C’est donc après l’entracte la Symphonie en ut de Georges Bizet qui prend, un peu curieusement dans le contexte d’un Festival Berlioz, la place de choix au sein du programme du soir. Il s’agit d’une œuvre de jeunesse écrite en 1855 à l’âge de 17 ans, à l’écoute de laquelle il est bien difficile de détecter le futur compositeur de Carmen ! Mis à part certains coups de timbale un peu plus puissants, le premier mouvement nous orienterait en effet les yeux fermés vers Mozart, Haydn ou Beethoven. Le deuxième mouvement adagio développe un grand arc plus lyrique illustré par de jolis solos du hautbois, avant un retour plus mozartien fait d’entrées en canon des pupitres de cordes. L’allegro vivace qui enchaîne pencherait plus du côté de Beethoven, tandis que le quatrième et dernier mouvement, en allegro vivace également, nous évoque carrément une Polka schnell de la famille Strauss, avec comme une course rapide et presque frénétique des cordes. Bravo à l’ensemble des musiciens qui reprennent en bis ce dernier mouvement, faisant preuve une nouvelle fois d’une extrême vivacité, ainsi que d’endurance dans la chaleur ambiante.
Irma FOLETTI
24 août 2023
Retrouvez sur notre site dans la rubrique “Interviews” l’entretien accordé par Jérémie Rhorer à Irma Foletti et François Jestin : http://www.resonances-lyriques.org/fr/interviews-detail/interviews/1465-entretien-avec-jeremie-rhorer-chef-et-fondateur-du-cercle-de-lharmonie.cfm
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Direction musicale : Jérémie Rhorer
Orchestre : Le Cercle de l’Harmonie
Alto : Paul Zientara
PROGRAMME :
Ludwig van Beethoven, Les Créatures de Prométhée
Hector Berlioz, Harold en Italie
Georges Bizet, Symphonie en ut
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