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ENTRETIEN AVEC GABRIELLE MOUHLEN, SOPRANO LIRICO-SPINTO QUI CHANTE AVEC LE CŒUR.

ENTRETIEN AVEC GABRIELLE MOUHLEN, SOPRANO LIRICO-SPINTO QUI CHANTE AVEC LE CŒUR.

lundi 6 avril 2020
Gabrielle Mouhlen dans Tosca / photo Hamza Saad

Gabrielle Mouhlen fait partie de ces artistes lyriques qui, loin de toute coterie et autre « circuit consacré », mène une carrière internationale en interprétant les plus grands rôles du répertoire de soprano lirico-spinto (voire dramatique). Si les théâtres et les festivals italiens et allemands, en particulier, la programment régulièrement, les directeurs d’Opéra français, curieusement, semblent la méconnaître et gagneraient sans doute à l’afficher dans quelques-uns de ses rôles fétiches !
Nous l’avons contactée, en plein confinement, alors qu’elle venait de regagner la Hollande, sa terre natale.

Avant tout, le contexte de confinement dans la plus grande partie de l’Europe me pousse à vous demander comment vous allez en cette période très particulière que nous traversons ?
J’essaie de rester sereine, comme beaucoup de personnes, car je crois que la force spirituelle qui est en nous est quelque chose de très important en ce moment. Bien évidemment, je suis préoccupée par la santé de mes proches qui font partie de la population à risques et mon cœur pleure pour les nombreuses victimes et leurs familles. Également, pour ceux parmi nos nombreux anciens qui ne pourront plus transmettre leurs valeurs, leurs expériences et leurs histoires…
Je pense aussi à toutes ces personnes qui voient s’envoler leurs activités professionnelles, la sécurité de leur emploi, leur futur en somme.
J’espère de tout cœur que la vie pourra reprendre son cours pour chacun d’entre nous et dans son environnement respectif.
Nous faisons tous de grands sacrifices pour faire en sorte que cette attente ne soit pas trop longue. Je forme cependant des vœux pour que, cette fois-ci, l’humanité n’ait pas la mémoire courte et que nous n’oublions pas les valeurs que cette crise nous aura rappelées.

A la lecture de votre biographie, on pourrait être surpris de lire qu’après des études musicales en qualité de flûtiste, on trouve assez vite sur votre parcours les grands rôles du répertoire de soprano lirico-spinto (voire dramatique…) : de la Traviata à Turandot en passant par Le Trouvère, Attila, Aïda, Tosca, Nabucco et Macbeth !?
Pouvez-nous faire un rapide « flash-back » sur les grandes étapes de votre carrière d’artiste et l’évolution de votre voix ?

Mon parcours a été long et lent. J’avais une voix naturelle, dotée d’aigus très faciles. Lorsque j’ai décidé de mettre de côté la flûte traversière pour me consacrer à l’étude du chant, je chantais déjà pratiquement tout : musique sacrée, musique de chambre, musique contemporaine, opéra. Après l’obtention de mon diplôme au Conservatoire, j’ai remporté une bourse d’études pour me spécialiser dans le mélodrame italien, en Italie.
C’est pendant ces années que j’ai trouvé ma véritable voix.
Au début, j’ai eu du mal à me construire une carrière mais cela a finalement été un bien : cela m’a permis de trouver ma « vocalité » authentique et de développer ce qui est devenu ensuite mon répertoire. J’ai eu ainsi le temps d’étudier, de mieux comprendre, de mieux me connaître et d’acquérir la maturité et l’expérience.

Depuis la fin de l’année dernière jusqu’à cet été, des rôles aussi redoutables que Turandot, Abigaille, Aïda, Elisabeth de Valois, Lady Macbeth puis, de nouveau Abigaille auraient normalement dû se succéder d’un mois à l’autre !!! Mais comment faites-vous pour conserver un tel « rythme » ?
Technique, expérience, résistance physique et mentale et beaucoup d’amour pour tout ce que je fais ! Les rôles que j’ai chantés pendant cette période et ceux qui, malheureusement, seront sautés, sont tous des emplois qui font partie de mon répertoire de prédilection.
Vous les qualifiez de « rôles redoutables » – et sur de nombreux aspects sans doute le sont-ils- mais ce sont des rôles parfaitement adaptés à ma structure vocale, à mon caractère et à mon tempérament ! C’est vrai que j’ai dû travailler beaucoup car ce sont des emplois qui ne sont pas sans risque pour qui ne dispose pas de la maîtrise complète de son instrument. Aujourd’hui, je peux dire que je m’amuse beaucoup avec un rôle tel qu’Abigaille parce que je me sens à l’aise avec ses difficultés techniques et que j’ai la liberté créative d’approfondir son personnage chaque fois que je le chante. Je crois qu’un chanteur ne devrait pas se produire en public tant qu’il n’a pas atteint cette forme d’aisance.

Dans votre vaste répertoire (romantique, post-romantique, verdien, puccinien, “Giovane Scuola”…), quelles sont les héroïnes que vous préférez et pourquoi ?
Je mets Tosca en tête de toutes. Je ne crois pas connaître un personnage plus proche de moi qu’elle. Il n’y a pas une parole qu’elle ne prononce ou une chose qu’elle ne fasse que je ne puisse comprendre de tout mon être. Norma la suit de prêt…
En ce qui concerne Abigaille et Lady Macbeth, ce sont mes « anti »-héroïnes préférées pour d’autres raisons. Avec elles, je m’amuse vraiment énormément !!! Leur univers est tellement étranger au mien que pour comprendre et interpréter ces personnages si peu recommandables, je dois extraire tout le « mauvais côté » de ma personne !
Pouvoir être sur la scène quelqu’un d’inacceptable dans la vie quotidienne permet d’avoir un grand sens de la Liberté !

En 2014, vous avez débuté, à Utrecht, dans le répertoire wagnérien avec Sieglinde de La Walkyrie puis, en 2019, vous avez chanté Lisa dans La Dame de pique à Essen : un répertoire que vous n’aviez encore jamais affronté. Pour quelle raison ?
Tout simplement parce que j’ai vécu pendant presque vingt ans en Italie, où l’on m’a proposé davantage les titres du mélodrame italien ! Cela fait peut de temps que je travaille en Allemagne où, là, m’ont été également offerts des ouvrages étrangers à mon répertoire habituel. C’est pour moi un enrichissement majeur de pouvoir approfondir le grand répertoire allemand ou le raffinement mélancolique de la langue et de la musique russe. Il existe tant de merveilleuse musique dans le monde que ce serait dommage de se limiter à un seul type de répertoire !

Quand les passionnés d’opéra auront-ils le bonheur de vous applaudir en France ?
Mais… dès que j’aurai la chance de chanter pour eux en France !!! J’espère vite !!! Ce sera un grand honneur pour moi.

Gabrielle Mouhlen, pour conclure notre entretien, quels seront vos projets après la fin du confinement ? Quels sont les rôles que vous aimeriez aborder ?
Si le confinement se termine cet été, mes projets immédiats seront donc Abigaille, Lady Macbeth et Desdémone en Allemagne, ainsi que Giovanna d’Arco en Hollande mais il est difficile de dire exactement quelle sera la programmation, ces projets pouvant également être déplacés à l’année prochaine…
Personnellement, j’adore tout le répertoire romantique, belcantiste et vériste. D’une façon générale, je serais heureuse de chanter plus souvent le répertoire belcantiste- Norma, que j’ai déjà chantée, mais aussi Le Pirate ou les reines de Donizetti. Parmi les rôles que je n’ai pas encore interprétés, j’aimerais aborder Adriana Lecouvreur, La Fanciulla del West, Suor Angelica ou Il Tabarro.
Il y a également un chef d’œuvre, que j’espère rechanter au plus vite : Le Requiem de Verdi.

Propos recueillis et traduits de l’italien par Hervé Casini
6 avril 2020.

 

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