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Elisabetta Regina d’Inghilterra de Rossini à l’Opéra de Marseille

Elisabetta Regina d’Inghilterra de Rossini à l’Opéra de Marseille

dimanche 13 novembre 2022
Ruzil Gatin, Samy Camps, Karine Deshayes, Roberto Rizzi Brignoli, Juien Dran, Giuliana Gianfaldoni et Floriane Hasler ©Christian Dresse
 

L’ouverture d’Elisabetta Regina d’Inghilterra (1815) empruntée à celle d’Aureliano in Palmira (1813) fut entièrement réutilisée par Rossini dans Le Barbier de Séville (1816) de telle sorte que les non-initiés peuvent, à son écoute, avoir la sensation de s’être trompés de spectacle ! On retrouve dans cette œuvre d’autres similitudes avec Le Barbier de Séville, l’un des thèmes d’Elisabetta étant en effet ultérieurement développée dans la cabalette de l’air de Rosine « Una voce poco fa ». Le chef Roberto Rizzi Brignoli donne immédiatement le ton de sa direction particulièrement spectaculaire avec un rythme quasi effréné qu’il maintiendra tout au long de l’ouvrage (orchestre et chœur de l’Opéra de Marseille remarquables).

On a souvent dans ces colonnes vanté les versions de concert (qui sont coutumières tant à l’Opéra de Marseille qu’à celui de Monte-Carlo) car elles permettent de manière pertinente de sortir des sentiers battus en offrant au public des raretés lyriques. Dans des œuvres comme celle-ci où l’intérêt vocal prédomine, les chanteurs ne sont pas soumis aux contraintes de la mise en scène, de telle sorte qu’ils peuvent se concentrer sur leurs voix placées au premier plan.

Nous retrouvions en ce mois de novembre les mêmes émotions identiques à celles que nous avions éprouvé in loco voici un an avec la splendide Armida du même compositeur également en version de concert. Il est vrai que le cast est exceptionnel avec Karine Deshayes dotée à l’origine d’une voix de mezzo-soprano qui, au fil du temps, s’est muée en celle d’une cantatrice « assoluta ». Rappelons en effet qu’au Festival d’Aix-en-Provence, elle a abordé avec succès ce que l’on considère comme « le rôle des rôles », celui de Norma magnifiée par Maria Callas et plus tard par Montserrat Caballé (1). Elle impose ici dramatiquement comme vocalement cette reine d’Angleterre (qui a aussi inspiré Donizetti pour Maria Stuarda (1834) ou Roberto Devereux (1837). La maîtrise du phrasé, l’aisance des aigus, la virtuosité des vocalises et le sens inné du belcanto permettent à la cantatrice française d’atteindre des sommets d’émotion et la hisse sans conteste au rang des grandes divas d’aujourd’hui.  
Aux côtés de Karine Deshayes, et après sa remarquable prestation dans Dejanire de Camille Saint-Saëns à Monte-Carlo, on a plaisir à retrouver Julien Dran (Leicester) qui décidément se confronte à des rôles relativement larges lesquels sollicitent non seulement de la vaillance dans le haut de la tessiture mais encore une assise significative dans le médium et dans le grave. Comme toujours et qu’il s’agisse de rôles mozartiens (L’Enlèvement au sérail sur cette même scène en mai dernier) ou d’emplois plus lourds, on apprécie à sa juste valeur le style impeccable du ténor sur toute la ligne de chant. Une heureuse découverte avec la soprano italienne Giuliana Gianfaldoni (Matilda) (auréolée par son triomphe du mois de juillet dans Beatrice di Tenda de Bellini au Festival de Martina Franca) maîtrisant toutes les nuances requises dans un air tel que « Sento un’ interna voce » et dont la couleur si pure s’accorde parfaitement avec celle de Karine Deshayes dans des duos qui sont de véritables moments inouïs de grâce (« Non bastan quelle lagrime »). Autre découverte significative celle de Ruzil Gatin, remarquable ténor rossinien issu de l’Accademia Rossiniana de Pesaro qui avec des moyens et un volume conséquents fait passer toutes les intentions dans un chant particulièrement expressif assorti d’un registre aigu confondant de facilité. La jeune mezzo-soprano Floriane Hasler (Enrico), dotée d’une voix fort bien conduite au timbre chaleureux, et le ténor Samy Camps, solide Guglielmo, complètent avec bonheur un plateau fort justement acclamé par le public.

Christian Jarniat
13 novembre 2022

(1) Montserrat Caballé avait interprété Elisabetta Regina d’Inghilterra au Théâtre Antique d’Arles en juillet 1975 avec Valérie Masterson, Gösta Winbergh et Ugo Benelli.

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