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​Diogène au Théâtre Anthéa d’Antibes

​Diogène au Théâtre Anthéa d’Antibes

vendredi 29 novembre 2019
Clement Althaus et Laeticia Goepfert. Photos Eric Clement-Demange

Diogène est le type de spectacle de théâtre musical parfaitement abouti. Il a été créé à l’Opéra de Nice le 22 mai 2018 avec orchestre sur une musique de Clément Althaus qui assure également la mise en scène avec Gaëlle Boghossian.
Cette production a été reprise par le Théâtre Anthéa pour 7 représentations dont 3 réservées aux scolaires qui ont eu lieu en matinée. Le livret, également signé par Clément Althaus, narre la vie de Diogène qui n’a pas laissé (contrairement à d’autres philosophes) de textes de son cru et dont l’auteur nous livre une œuvre librement inspirée des anecdotes recueillies par les contemporains du philosophe : « Une enquête menée dramaturgiquement pour essayer de reconstituer ce qu’avait pu être sa vie ».

Diogène, fils d’un riche banquier grec, faisait partie du mouvement dit des « cyniques ». La légende nous indique qu’il s’était dépouillé de tous ses biens pour s’immerger dans la pauvreté et retrouver en conséquence l’essence de la liberté. C’est ainsi qu’il vivait en marge de la société dans la brillante Athènes du IVème siècle avant notre ère avec une besace, une écuelle et un simple bâton pour toute richesse. On le représente souvent de manière picturale dans le dénuement et, surtout, dormant dans un tonneau mais, en réalité, dans une immense demi-jarre. Ce révolutionnaire avant l’heure, par ses propos acerbes ou violents, entendait faire bouger et améliorer la société et, à son époque, luttait déjà contre les méfaits de la consommation en prônant l’idée de réduire ses besoins au strict minimum.

Pour en donner une représentation théâtrale Clément Althaus et Gaëlle Boghossian ont encombré la scène d’une série de tonneaux de toutes tailles puisque, dans l’esprit de tous, ceux-ci constituaient l’emblème de ce personnage hors du commun et joyeux subversif. La musique de Clément Althaus « une sorte d’opéra-rap » comme il se plaît à le qualifier, varie entre des élans lyriques, les cantilènes et une expression vocale qui tourne autour du rap (« un mélange d’une forme urbaine de prise de parole de mots scandés avec la musique classique ») . Le texte est dans son expression « actualisé » pour rendre cet épisode de la mythologie grecque parfaitement compréhensible pour un public d’aujourd’hui. On aboutit ainsi à une pièce qui mêle adroitement musique sur fond de flûte entêtante, grands poèmes lyriques, déclamations péremptoires, poésie mais aussi humour.

Le lien dramaturgique choisi est une sorte de flash-back. L’oracle (qui apparaît aussi sous la forme identique de la conscience du héros) annonce à Diogène qu’il va mourir ce jour-même. Il entend, comme un leitmotiv,  la voix de la Pythie répéter sans relâche sa prophétie : « Tu changeras les valeurs ». Tout au long de son existence, il aura tenté d’en comprendre le sens. Au fil de ses erreurs et de ses rencontres il devient l’homme que l’on sait. Quelques heures avant de mourir, il parcourt son histoire dans laquelle il se convainc d’avoir su accorder sa vie avec sa pensée. On y suit notamment l’épisode où, dans sa jeunesse, son père veut qu’il lui succède dans sa profession de banquier et l’oblige à compter et à recompter ses drachmes pour ne rien oublier. Mais ce n’est pas le rêve que poursuit Diogène car déjà il considère que l’argent ne fait pas le bonheur et il le dissipe au profit des plus pauvres. On ne saura jamais en fait s’il a tué ce père dont il voulait s’affranchir pour ensuite, tel un mendiant génial, parcourir la citée une torche à la main à la recherche de l’être qui serait pourvu de toutes les qualités humanistes. Il rêve aussi de transformer cette Athènes en une ville de toutes les vertus et apprivoise les chiens qui seront les compagnons de sa vie et auxquels il s’identifie. Bien entendu, on lui prête la fameuse phrase qu’il lança à Alexandre le grand, l’interrogeant sur ce qu’il désirait le plus au monde : « Ôte-toi de mon soleil » et à laquelle l’empereur aurait répondu : « Si je n’étais pas Alexandre, j’aurais voulu être Diogène ». Tout cela est mené avec une force, un élan, une intensité et une jubilation qui non seulement captent l’attention, mais encore nous plongent dans un climat aussi étrange que prenant. 

Clément Althaus interprète un Diogène viril tout de noir vêtu, athlétique et dégageant une présence exceptionnelle, tandis que Laeticia Goepfert, dans le rôle de sa conscience, ainsi que divers personnages comme notamment celui de l’oracle, lui donne une éloquente réplique. Elle est belle, épurée et chante des litanies enveloppantes avec une voix aussi émouvante qu’expressive. Les superbes lumières signées par Bernard Barbero et Samuèle Dumas contribuent à l’envoûtement ambiant.

A l’issue de chaque représentation il y a une rencontre avec le public où les interprètes viennent expliquer leur conception de la pièce, parler de Diogène et répondre aux questions de l’auditoire. A noter que les élèves des écoles qui, à trois reprises, ont été invités à assister à ce spectacle, l’ont particulièrement apprécié, faisant preuve d’une grande qualité d’écoute et réservant une ovation aux interprètes.
Ceci est particulièrement réconfortant car ils constituent non seulement le public de demain mais déjà celui d’aujourd’hui. 

Christian Jarniat
29 novembre 2019

 

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