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Conte du Tsar Saltane à l’Opéra National du Rhin

Conte du Tsar Saltane à l’Opéra National du Rhin

vendredi 5 mai 2023
© Klara Beck

Merveilleux Conte du Tsar Saltane… un enchantement entre rêve et réalité !!!

Dans le cadre du festival annuel « Arsmondo » dédié cette année au monde slave, l’Opéra National du Rhin, a eu l’excellente idée de présenter le Conte du Tsar Saltane, une coproduction du Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles et du Teatro Real de Madrid. Cette œuvre, rarement jouée en Occident, mais très appréciée en Russie, a été composée par Rimski-Korzakov, selon le livret de Vladmir Bielski, d’après le conte d’Alexandre Pouchkine, très célèbre et raconté à tous les enfants dès leur plus jeune âge. 
C’est aussi la première fois que le metteur en scène Dmitri Tcherniakov, de renommée mondiale, vient à Strasbourg. Il est très connu pour ses relectures d’opéras souvent radicales. Il propose donc, pour ce Conte un éclairage de nature psychologique. Le résultat en est remarquable.
L’histoire est celle d’un Tsar, dupé par sa belle-famille à qui on a fait croire que son fils qui venait de naître était un monstre. Ce qui pousse le Tsar à se débarrasser de son épouse et de l’enfant en les faisant enfermer dans un tonneau jeté à la mer. 
Le personnage central est le Tsarévitch, un enfant autiste enfermé dans son univers de contes de fées, incapable de se confronter au réel, mais bien protégé par sa mère, qui essaie de l’aider à percer les circonstances de sa naissance à travers le récit du Conte du tsar Saltane. 
Deux univers se superposent dans cette ingénieuse « mise en abyme » réalisée par Tcherniakov, entre le monde réel et celui du conte, entre rêve et réalité, comédie et tragédie… et dans lequel le spectateur est entraîné avec joie et émerveillement. Cette « mise en abyme » est réalisée d’une part grâce aux décors, l’un réel et très étriqué, devant un mur aux tonalités cuivrés, laissant peu de place à la mère et à son enfant pour exister et l’autre décor, d’une infinie poésie et tellement onirique, où la scène prend toute sa profondeur : une sorte de caverne, un rocher en bord de mer ou une bouche géante. Les éléments magiques du conte : l’écureuil, la princesse-cygne sont miniaturisés, mais la féerie va se concrétiser par les images nées du cerveau du jeune tsarévitch et va se déployer en noir et blanc, puis se dessiner plus nettement pour se mettre en mouvement et en couleurs dans des visions-projections très élaborées et animées par le talentueux Gleb Filshtinsky.
On notera particulièrement  les scènes du tonneau emporté par les flots, celle de la croissance du bébé et bien évidemment la scène du vol du bourdon (seul air connu) lors du banquet du Tsar Saltane qui étaient  particulièrement bien réussies. Quel spectacle !!!    
L’inspiration des magnifiques et éblouissants costumes signés d’Elena Zaytseva souligne fort bien la Russie traditionnelle.
 
Le plateau vocal est d’un très haut niveau, presque identique à celui de la création de l’œuvre à Bruxelles
On y retrouve avec bonheur, le ténor ukrainien Bogdan Volkov dans le rôle du Tsarévich, acteur doué, omniprésent du début à la fin (impressionnant dans le premier acte où il ne chante pas), mais tellement crédible dans son comportement d’autiste, avec sa gestuelle hâchée. Il est surtout un chanteur talentueux,  avec un timbre clair et sonore, bien coloré. Il a contribué de manière décisive au succès du spectacle.
Annoncé souffrant, la basse Ante Jerkunica en Tsar Saltane a montré quelques faiblesses dans les aigus, mais on a fort apprécié son magnifique timbre de basse profond, coloré, sombre et ample.
Tatiana Pavlovskaya, dont c’est une prise de rôle, (elle n’a répété qie deux semaines)  peine un peu dans les aigus, mais est tellement crédible par son intensité tragique et son engagement scénique, dans le rôle tellement difficile de la Tsarine.
Dans le trio des « mégères », les deux sœurs (l’une tisserande et l’autre cuisinière) interprétées par Stine Marie Fischer et Bernarda Bobro, rivalisent de méchanceté et de perfidie, en parfait accord avec Carole Wilson, dans le rôle de Barbarikha, au récitatif très réussi.
Julia Musychenko dans le rôle de la princesse-cygne nous subjugue dès son apparition sur scène, en petite sirène, lovée sur son rocher, dans une robe de plumes blanches qui magnifie encore sa prestation. Non seulement elle est belle, mais elle possède une voix d’un cristallin incroyable, un aigu limpide et un timbre soyeux et enveloppant. 
Evgeny Akimov dans le rôle du Vieil Homme, Ivan Thirion dans celui du Messager et Alexander Vassieliev dans le bouffon sont excellents dans leurs rôles respectifs au 3e acte.
Dans la fosse, on admire la battue énergique et tellement enthousiaste d’Aziz Shokhakimov. Il dirige à une cadence « presque infernale », toujours en mouvement, dansant parfois sur son podium. Quelle direction brillante, tantôt trépidante, tantôt douce et lyrique pour la berceuse. 
Les musiciens de l’Orchestre Philarmonique de Strasbourg, en grande forme, répondent avec enthousiasme aux sollicitations de leur chef, nous offrant ainsi de très beaux solos pour chacun des pupitres. 
Les Chœurs de l’Opéra National du Rhin sont particulièrement impliqués vocalement et scéniquement dans cette œuvre « colossale ».
Il faut également rendre hommage à tous les corps de métiers de l’Opéra National du Rhin : costumiers, maquilleuses, décorateurs, éclairagistes, vidéastes, assistants, qui ont contribué à la réussite de cette soirée mémorable. Mais la fin de cette histoire, sensée être heureuse, ne l’est pas. Le Tsarévitch cherche à ouvrir, sans y parvenir, la porte du mur du premier acte, pour retrouver ses rêves… mais est victime d’une crise violente… Du grand Tcherniakov !!! 
Les artistes, solistes, chœurs, musiciens et leur chef, ont été salués avec enthousiasme, les spectateurs leur réservant des applaudissement très nourris, et, la chose n’est pas si fréquente, au metteur en scène Tcherniakov, qui était ravi.
On sort de cet spectacle avec les yeux qui brillent !!!
Saluons Alain Perroux et ses collaborateurs de l’Opéra National du Rhin d’avoir eu le courage de programmer, dans le contexte géopolitique actuel, dans le cadre d’Arsmondo slave, une œuvre russe, mise en scène par un metteur en scène russe et une équipe de solistes en partie ukraino-russes.
 
Marie-Thérèse Werling
5 mai 2023

La représentation du 26 mai à La Filature de Mulhouse est annulée.
La représentation du 28 mai à la Filature de Mulhouse est présentée en version concertante.

Pour plus d’informations, vous pouvez contacter la billetterie de La Filature au 03 89 36 28 28 ou billetterie@lafilature.org. 

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