Joyeux anniversaire Maestro !
Le concert inaugural de la saison symphonique de l’Orchestre Philharmonique de Nice est de ceux qui dans la vie d’un mélomane restent associés au bonheur d’avoir assisté à un événement exceptionnel et de fièrement pouvoir dire : « Oui j’y étais ! ».
Pour le centenaire de sa disparition on y célébrait Camille Saint-Saëns.
Ce musicien français connu et reconnu pour ses nombreuses compositions – son opéra Samson et Dalila est chanté sur toutes les scènes lyriques du monde entier -, a écrit également nombre d’ouvrages de musique symphonique et concertante toujours à l’affiche des plus grandes salles de concerts sans compter les enregistrements réalisés par les solistes renommés et chefs prestigieux à la tête d’orchestre réputés.
Michel Plasson le spécialiste incontesté du répertoire de musique française retrouvait pour l’occasion l’orchestre de l’Opéra de Nice (qu’il avait dirigé lors des représentations triomphales des Dialogues des Carmélites) avec au programme une sorte de trilogie ou plutôt de triptyque pictural musical pour marquer cet anniversaire du compositeur et ses 88 ans longuement fêtés le samedi 2 octobre.
Comme sur une toile imaginaire se dessinait en introduction le poème symphonique Phaeton et la direction du chef Michel Plasson y traçait d’une manière très suggestive les galops des chevaux tenus par Phaéton ou la foudre de Jupiter frappant le malhabile conducteur du char du soleil son père qui s’était rapproché dangereusement de notre terre.
Ce sont deux instruments chers au compositeur Camille Saint-Saëns, pianiste renommé et organiste réputé que l’on retrouvait ensuite au programme.
Le Concerto pour piano et orchestre n°5 en fa majeur opus 103 nous permit d’entendre ce merveilleux pianiste canadien Louis Lortie qui enrichit la palette suggestive de Saint-Saëns par une envolée de couleurs pianistiques tour à tour passionnées ou mélancoliques. Ce concerto prendra le surnom d’ « égyptien » à l’époque où l’opéra Aida était créé par Verdi pour l’ouverture du canal de Suez. Son thème orientalisant, flamboyant sous les doigts du pianiste, s’exprime aussi grâce à la baguette complice du chef d’orchestre. On a l’impression que, prolongeant ses intentions, elle s’insinue dans chaque pupitre de l’orchestre pour faire briller tous les instruments, elle caresse presque le clavier du piano, accompagne l’envolée de la main du soliste, comme un écho pour au final libérer l’enthousiasme du public.
Sur l’invite (presque autoritaire !) du chef Michel Plasson, Louis Lortie rejoint son piano pour offrir au public en bis un Chopin tout en sensibilité et en douceur contrastant avec les moments de fougue entendus quelques instants auparavant.
Liszt décrira Saint-Saëns comme « le premier organiste du monde » et l’on sent dans la Symphonie numéro 3 en ut mineur opus 78 dite « symphonie avec orgue » que cet instrument est cher au compositeur. Louis Vernet, titulaire, entre autres, des Grandes orgues de Monaco, insuffle à cette symphonie toute la religiosité et le souffle de la marche ardente jusqu’à l’apothéose finale. Sans partition, le chef soutient sans temps mort tous les instruments, tape du pied ou d’un mot exhorte les musiciens et comme plongeant par dessus l’orgue transmet toute sa passion.
Longuement applaudi, Michel Plasson offre un bis comme un cadeau à l’occasion de son anniversaire qu’il se ferait à lui même et à ses musiciens, dirigeant non pas de son estrade mais au milieu de l’orchestre, faisant corps avec cette musique qui a été l’accomplissement magistral de sa vie. Sur scène comme dans la salle le bonheur était palpable. Le public debout rayonnait après avoir entendu ces trois géants du piano, de l’orgue et de la direction d’orchestre. Et se disait : « Oui j’y étais » !
Catherine Pellegrin
Le 1er octobre 2021
