Sauf erreur, le Chanteur de Mexico n’avait jamais été donné à Clermont-Ferrand. Il faut dire que le répertoire de l’opérette dite « à grand spectacle » y a depuis plusieurs décennies été négligé, voire ostracisé. C’est donc avec la volonté affichée de Clermont-Auvergne-Opéra et de sa directrice Ève Coquart de renouer avec ce type de répertoire qu’a été proposée cette production déjà chroniquée par Didier Roumilhac. Nous renvoyons à son article (Le Chanteur de Mexico, au Pin Galant de Mérignac, 9 novembre 20251) pour sa présentation très complète de l’œuvre et reprenons intégralement à notre compte ses remarques quant à la mise en scène et aux performances des interprètes.

Il était intéressant d’observer l’accueil de ce volet majeur de la lopéziade par un public qui, à la différence du public toulousain, en a été largement sevré. L’âge d’or de ce répertoire s’étant clos avec les Trente Glorieuses, ce qui frappe à l’issue de cette représentation est sa capacité à séduire un public qui se trouve dans une tout autre atmosphère ambiante. Le danger est celui de la nostalgie et d’un repli sur le bon vieux temps où le ciel était toujours bleu et les routes du futur fleuries. Peut-être y a-t-il un peu de cela ; mais ce n’est assurément pas le cas pour la part la plus jeune du public. Paradoxalement, le fondamental irréalisme, la totale absence de « prise de chou » dont, à vrai dire, on n’a guère besoin, invitent le spectateur englué dans l’inquiétude et le pessimisme ambiant à entrer, en toute conscience, dans un univers qu’il sait trop beau pour être vrai et d’une façon forcément différente, plus aiguë peut-être, plus ludique aussi, qu’à l’époque de la création,

La mise en scène de Christian Blain est de ce point de vue parfaitement fonctionnelle. Le léché des costumes, leur somptuosité colorée et scintillante, leur fantaisie mais aussi leur uniformisation de style par tableaux est de grand effet visuel et, sans qu’il y paraisse, renoue avec la très ancienne tradition théâtrale des bergers et bergères pomponnés du dix-huitième siècle ou celle des Indiens des Indes Galantes : Vincent et Bilou aux pantalons d’un blanc immaculé et soigneusement repassés se plaignant du mépris que leur vaut leur état de « paysans » (c’est la fête à Saint-Jean de Luz, dira-t-on). Quant aux « indiens » du Mexique… Ceci n’empêche en rien la justesse de ton des épisodes parlés.

Jointes à ces costumes les chorégraphies, très symétriques, confèrent à l’ensemble un côté revue, en bonne symbiose avec l’esprit ludique hors-réalisme de l’ensemble.
Il y a dans l’opérette à grand spectacle, parce qu’elle est découpée en brefs tableaux, une certaine parenté avec la BD. L’emploi de larges toiles peintes, accusant parfois leur âge, accentue la chose. Exactement comme chez Hergé on voit les personnages se mouvoir devant un fond fixe. Cela est frappant dans des tableaux comme celui d’Acapulco ou du désert mexicain, sans parler du côté Temple du soleil. Cela crée parfois, avec l’aide de la lumière soulignant le heurt visuel entre les trois dimensions des corps et les deux dimensions des fonds, des effets de déréalisation où le chant gagne en puissance d’envoûtement léger.

A la différence de la production toulousaine le rôle de Vincent était interprété par Juan Carlos Echeverry, on ne peut plus chanteur de Mexico. Le physique est là avec tout ce qui peut être espéré de chevelure corvine et de sourire éclatant, sans oublier la très légère pointe d’accent. La voix est là aussi, en parfait accord avec le reste. La maîtrise du style lopézien, pas si évident que cela, est totale avec ses alternances d’éclat et de piani un peu sucrés réalisés allègrement. Le sentiment de plaisir à chanter avec un rien presque de second degré est ce qu’on peut espérer de plus convaincant. On remarque la fine utilisation qu’il fait du micro et qui s’adapte tout à fait à l’inflexion comédie musicale due, entre autre, à la sonorisation. Cette dernière, un peu écrasante, aurait peut-être mérité quelque ajustement, impossible à mettre au point dans le temps record d’installation et de mise en place effectif (Grâces soient rendues aux équipes techniques !). Elle se révèle par contre à l’usage très valorisante pour l’orchestre qui trouve de justes accents de modernité de timbres dans l’esprit coloriste des origines. Claude Cuguillère est comme un poisson dans l’eau avec cette musique à laquelle il impulse une énergie sans faille.

Comme il a été dit, nous renvoyons à l’article de Didier Roumilhac pour la distribution déjà chroniquée. On se contentera de souligner son caractère homogène et très engagé, avec tout de même une satisfaction particulière à la prise de rôle très réussie de Cartoni par Claude Deschamps.
Le public nombreux dans la vaste salle de la Maison de la Culture – en dépit d’une représentation en semaine – s’est lâché, non sans timidité de départ, au final largement applaudi. Il est probable que plus d’un aura eu du mal à se libérer de Mexi-iiiii…jusqu’au creux de son lit.
Gérard Loubinoux
2 décembre 2025
Direction musicale : Claude Cuguillère
Mise en scène : Christian Blain
Cheffe des choeurs : Annabelle Rougemont
Chorégraphie : Lorenzo Bernardi
Décors et costumes : TLA Production
Cricri : Julie Morgane
Eva Marshall : Perrine Madoeuf
Tornada : Perrine Cabassud
Vincent : Juan Carlos Echeverry
Bilou : Vincent Alary
Zapata : Aslam Safla
Cartoni : Claude Deschamps
Bidache : Jean-Pierre Duclos
Le Grand Sorcier : Henri Pauliat
Miguelito : Pierre Cataldo
Ballet de l’Académie Carole Massoutie
Chœur Malopé de Toulouse
Orchestre Mélodia









