A l’occasion du centième anniversaire du festival lyrique des Arènes de Vérone, Aida avait été confiée au metteur en scène Stefano Poda qui avait proposé la scénographie d’un univers intemporel et intergalactique avec, en fond de scène, une main géante faite de filaments métalliques et de part et d’autre des sortes de modules interplanétaires paraissant s’être abîmés sur une terre inconnue. Le tout éclairé par d’incroyables faisceaux lumineux, des rayons lasers se croisant au fin fond du ciel ainsi qu’une multitude infinie de lumières multicolores auxquelles se joignaient des jets de fumée venant de toute part.
Aida 1913 permet de commémorer l’édition historique située dans l’Égypte ancienne pour le titre symbolique de la saison lyrique estivale des Arènes, dans la mise en scène de Gianfranco de Bosio (1924-2022), et pour le centenaire de la naissance ce dernier auquel la Fondazione Arena di Verona rend hommage cette année.
Une édition qui évoque également la magie de la première nuit d’opéra en 1913 où les notes du chef-d’œuvre de Verdi ont résonné pour la première fois entre les pierres de l’amphithéâtre millénaire pour inaugurer ce festival tout en célébrant le centenaire de la naissance du compositeur.
Metteur en scène, conférencier et deux fois surintendant de l’Ente Lirico de l’époque, de Bosio avec un soin méticuleux de reconstruction historique, à partir des croquis de l’architecte Ettore Fagiuoli et des quelques photos d’époque a créé une nouvelle tradition, non seulement un hommage à 1913 mais aussi un dialogue continu et constructif avec les interprètes d’aujourd’hui.
Cette production, la plus répétée de l’histoire de l’Amphithéâtre, compte à ce jour 267 représentations (plus d’un tiers des 759 représentations totales d’Aida dans les Arènes) sur 22 éditions du Festival depuis 1982 . Lors de la dernière reprise en 2019, personnellement dirigée par de Bosio, les décors ont été restaurés tandis que de nouveaux projecteurs permettaient des conceptions d’éclairage sans précédent, en particulier pour le tableau nocturne du Nil à l’Acte III. Le reste de la production vise également à reconstituer la magie de l’opéra tel que conçu à la fin du XIXe siècle. On admire les costumes somptueux librement inspirés des figurines originales de l’égyptologue Auguste Mariette, qui avait fourni à Verdi l’intrigue de l’opéra, tandis que la mise en scène suit les dispositions scéniques prises par le compositeur lui-même pour la première milanaise en 1872 dans le mouvement des solistes, des danseurs et des figurants, avec les adaptations évidentes qu’un maître du théâtre comme de Bosio pouvait admirablement maîtriser au regard de l’amplitude et de la particularité des espaces de l’Arena.
Reprise également de la chorégraphie originale de Susanna Egri avec comme solistes les étoiles de la danse Futaba Ishizaki, Gioacchino Starace et Denys Cherevychko. Susanna Egri suit cette production d’Aida dans les Arènes depuis 1982, se livrant à une étude assidue et à une recherche minutieuse pour porter à la scène un travail fin et méticuleux renouvelé en 2013, qui évoque le goût du XIXe siècle et du contexte dans lequel l’opéra fut composé, soulignant encore le caractère exceptionnel de la scène des Arènes mise en valeur par ce spectacle.
Le public ne s’y est pas trompé applaudissant longuement à de nombreuses reprises le ballet et ses danseurs.
L’Aida 1913 voyait alterner des grands noms de l’univers lyrique avec pour la représentation à laquelle nous assistions Elena Stikhina, soprano russe à l’affiche depuis l’année dernière aux Arènes ( dans Aida et Tosca). Son Aida sensible dotée d’un timbre clair et d’une voix lyrique se pare de demi-teintes qui franchissent sans difficulté le plein air. Gregory Kunde lui donne la réplique et leurs duos s’avèrent particulièrement émouvants. La voix du ténor américain forgée à l’école belcantiste parvient à surmonter les difficultés du rôle de Radamès avec néanmoins, dans certains passages héroïques, quelques tensions notamment dans son redoutable air d’entrée « Céleste Aida ».
Les voix graves représentent la plus belle satisfaction de la soirée, qu’il s’agisse du roi de Riccardo Fassi, du grand prêtre Ramfis d’Alexander Vinogradov et particulièrement du très remarqué baryton de Yougjun Park en Amonasro. Ekaterina Semenchuk, interpréte de toutes les Amneris de cette production, se taille la part du lion par son engagement et son incarnation vibrante. N’oublions pas les très bonnes prestations du messager de Carlo Bosi et de la grande prêtresse Francesca Maionchi.
Le public venu nombreux a manifesté à chaque (nombreux et longs) changements de décors son enthousiasme. Il a réserve à la fin du spectacle des ovations aux interprètes et un accueil chaleureux à Daniel Oren en hommage appuyé à la direction sans faille de ce chef qui du bout de sa baguette a soutenu sans relâche chaque musicien, chaque interprète, chaque choriste de cette production monumentale.
Christian Jarniat
22 août 2024
Direttore : Daniel Oren
Maestro del coro : Roberto Gabbiani
Regia : Gianfranco De Bosio
Coreografia : Susanna Egri
Coordinatore del Ballo : Gaetano Petrosino
Direttore allestimenti scenici : Michele Olcese
Distribution :
Il Re : Riccardo Fassi
Amneris : Ekaterina Semenchuk
Aida : Elena Stikhina
Radamès : Gregory Kunde
Ramfis : Alexander Vinogradov
Amonasro : Yougjun Park
Un messaggero : Carlo Bosi
Sacerdotessa : Francesca Maionchi
Primi ballerini : Futaba Ishizaki
Denys Cherevychko, Gioacchino Starace
Orchestra, Coro, Corpo di ballo e Tecnici dell’Arena di Verona