Au théâtre de l’Odéon de Marseille, la magie de Francis Lopez a de nouveau opéré. Les représentations d’Andalousie, affichaient complet avec un public attiré par les élans d’une partition à la fois populaire et chaleureuse du compositeur des grandes heures de l’opérette française dont les rythmes hispaniques, les amours contrariées et les passions brulantes trouvent à Marseille un écho naturel.
En cette fin novembre les rappels nourris, les rires et les bravos ont confirmé que pareille œuvre conserve en ce temple de l’opérette un pouvoir de séduction intact.
Sous la baguette précise et pétillante de Didier Benetti, l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille offrent à la musique de Lopez toute sa vitalité tandis que la distribution se caractérise par son homogénéité.
Jérémy Duffau, habitué de ce répertoire, campe un Juanito ardent de séduction naturelle, avec le physique adéquat d’un jeune torero qui rêve de gloire et que se disputent les deux héroïnes de cette opérette.
À ses côtés, Julia Knecht (Dolorès) (déjà sur cette scène Arlette dans La Chauve Souris, Gabrielle dans La Vie Parisienne, Wanda dans La Grande Duchesse de Gérolstein, Irma dans Le Grand Mogol ) incarne avec finesse cette Andalouse fière et blessée qui tente de se venger de son amoureux qu’elle croit infidèle.
Laurence Janot, dans le rôle de Fanny Miller, confère à la diva jalouse sa prestance scénique et une ironie savoureuse tandis que Sebastien Lemoine conjugue le charisme et la voix chaude que l’on attend du proscrit exilé Valiente.
Le couple de fantaisistes réunit deux comédiens parfaitement rodé à l’humour scénique : la pétulante Pilar de Julie Morgane et le bondissant Pepé de Nicolas Soulié.
Perrine Cabassud en Greta « comiquement wagnérienne » brûle les planches, tandis qu’Any Vogel livre sa remarquable expérience scénique à Dona Victoria
Autour d’eux, la troupe réunie compose une véritable famille de théâtre : «comédiens complices » et choristes de l’Opéra de Marseille apportant une évidente plus value à la partition de Lopez.
Une mention toute spéciale pour la trépidante chorégraphie de Felipe Calvarro et ses flamboyantes danseuses.
La mise en scène de Carole Clin relève une fois de plus le défi de l’espace restreint de l’Odéon. Si la scénographie demeure, en raison de ces contraintes, modeste par une dynamique direction d’acteurs, elle parvient à créer l’illusion du grand spectacle : avec robes tourbillonnantes, castagnettes, éventails et pas de flamenco conférant à l’ensemble un éclat jubilatoire.
Certes, le livret, avec ses quiproquos amoureux, ses jalousies et ses clichés “folkloriques”, accuse quelque peu le poids des ans. Mais c’est précisément cette naïveté assumée qui fait tout le charme d’Andalousie.
Francis Lopez y déploie sa science de la mélodie populaire, de ces refrains qui se gravent pour toujours dans la mémoire et font encore battre le cœur du public. Ce théâtre musical, à mi-chemin entre le lyrique et la variété, conserve cette fraîcheur qui enchante toujours les amateurs du genre, sans évidemment chercher à rivaliser avec la complexité psychologique de certains livrets d’opéra.
Tout respire ici une indéniable sincérité et une joie de jouer. Marseille, terre méridionale par excellence, ne pouvait que s’enflammer pour ces accents espagnols tandis que la nostalgie du bel âge de l’opérette se conjugue avec ces amours de roman feuilleton pleines de couleurs joyeuses et de bons sentiments sans prétention.
Christian JARNIAT
29 novembre 2025
Direction musicale : Didier Benetti
Mise en scène : Carole Clin
Chorégraphie Felipe Calvarro
Décors : Ateliers Sud Side
Costumes : Opéra de Marseille
Distribution :
Juanito : Jérémy Duffau
Dolorès : Julia Knecht
Fanny Miller : Laurence Janot
Valiente : Sébastien Lemoine
Pilar : Julie Morgane
Pepé : Nicolas Soulié
Greta : Perrine Cabassud
Dona Victoria : Anny Vogel
Baedeker : Didier Clusel
La gitane : Christine Tumbarello
Le Sereno : Damien Barra
Caracho : Cédric Brignone
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
