Avec ce programme de « Zarzuela », Placido Domingo revient à ses premières amours. Ses parents étaient tous deux chanteurs de Zarzuela et il est tout naturel que le jeune Domingo ait été baigné dans l’amour de ce répertoire infiniment plus riche et nuancé qu’on le dit. Son concours lyrique « Operalia » pour jeunes chanteurs a d’ailleurs son propre Prix Zarzuela. Il est important de transmettre la passion de ce genre typiquement espagnol. Fervent défenseur de la Zarzuela, Placido Domingo a pris soin d’intégrer dans le programme de ce soir deux airs de « Luisa Fernanda » de Federico Moreno Torroba, un maître de la zarzuela tardive.
Quelle heureuse idée d’avoir fait escale à Baden-Baden lors de sa tournée mondiale, où il retrouve les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Baden-Baden, ses complices réguliers. En effet, le Festspielhaus lui est très familier : il y a chanté l’opéra (un magnifique et magistral Simon Boccanegra, donné des récitals et même dirigé.
Pour ce florilège de mélodies espagnoles, Placido Domingo des plus investis et dans une forme superbe est accompagné par l’excellente et très belle Maria Kataeva pour l’interprétation des zarzuelas de Soutello, Serrano, Caballerro, Guerrero et Sorozabal. Un véritable enchantement !!! Entre les parties chantées, la Philharmonie de Baden-Baden ardemment dirigée par le chef italien Francesco Ivan Ciampa nous a offert quelques intermezzo de Giménez, Granados et Chapi. Les musiciens se sont révélés parfaitement en phase avec ce répertoire espagnol entre puissance et subtilité pendant ces interludes d’orchestre mais aussi en soutien excellent pour les voix, sans jamais les couvrir.
Après la pause, nos deux chanteurs toujours aussi complices, chantent des airs de Torroba, Luna, Penella, Vives et Sorzabal. Placido Domingo, plus charmeur et séducteur que jamais !!! est tout à fait à l’aise dans ce domaine. Sa voix oscille entre ténor et baryton, avec un éclat jamais pris en défaut, un phrasé régulier. Il est au meilleur de sa forme, surtout dans la romance de Vidal de la Zarzuela, Luisa Fernanda de Torroba et la Tabernera del puerto de Sorozabal. Maria Kataeva, dans une robe noire près du corps ornée d’une immense manche en forme de « rose » fuchsia créée la surprise merveilleuse de la soirée. Sa voix de mezzo est dotée d’une beau lyrisme, dans un espagnol impeccable, entièrement habitée par les zarzuelas qu’elle chante divinement bien et sans jamais l’appui d’aucune partition. La mezzo russe, protégée de Domingo avait remporté le 2e prix et le Prix du Public du Concours Operalia en 2019 à Prague. Les duos qu’elle partage avec notre baryténor éclatant sont des moments privilegiés.
La Philharmonie de Baden-Baden a sublimé son interprétation avec fougue et passion de la musique de ballet de Manuel de Falla El sombrero de très picos.
Triomphe mérité avec de nombreux rappels du public survolté et plus qu’enthousiaste. Il est vrai que Placido Domingo est en « territoire conquis » à Baden-Baden.
Avant de quitter la scène badoise, nos deux complices d’un soir nous ont offert deux airs : Las hijas de Zebedeo de la Zarzuela de Chapi et de Torroba “Amor vide de mi vida” de la Zarzuela Maravilla et en reprise finale extrait de l’opéra El Gato Montés de Penella.
Une nuit d’Espagne exceptionnelle !!!
Marie-Thérèse Werling
15 juin 2024