La Salle Favart, toujours désireuse de nous faire partager de passionnantes aventures musicales, nous invite à découvrir un spectacle original composé de tableaux lyriques sur des musiques de Franz Schubert.
Le compositeur n’a mené à terme que la moitié de ses projets lyriques dont bien peu ont été portés à la scène.
De ces tentatives nous restent des pièces éparses, qui se révèlent être de somptueuses pépites musicales, heureusement ressuscitées dans ce voyage par Raphaël Pichon (direction et conception musicale) et par Silvia Costa (mise en scène et décors).
Ce spectacle rend hommage à ces morceaux peu joués, sous forme de balade musicale inédite – qui va durant plus de cent minutes nous transporter dans le monde magique de l’enfance.
Le récit prendra hélas des accents dramatiques, dont nous ne sortirons pas émotionnellement indemnes.
L’intrigue nous conduit au premier tableau dans une morgue où un médecin légiste reçoit un corps qu’il reconnaît comme étant son propre double.
Il découvre avec effroi qu’il se trouve être le témoin fantôme de sa propre mort.
Intrigué par le regard de son enfant, qu’il croise durant la cérémonie d’anniversaire de ce dernier, il va rapidement comprendre que le défunt n’est autre que son propre fils, dont il refuse d’admettre la perte.
Il entame alors un travail de deuil avec sa femme, soutenus dans la circonstance par un ami qui leur apportera un indéfectible soutien. Ils tenteront de trouver un apaisement à leur souffrance, leur ôtant la culpabilité qui les ronge de n’avoir pas pu éviter le drame.
Les chanteurs de cet ouvrage novateur ont, par leur talent, su nous faire pénétrer dans un univers à la limite du fantastique.
Tout d’abord Stéphane Degout, qui se trouve être un de nos meilleurs barytons français actuels, habitué à la scène de la salle Favart depuis plusieurs saisons (Pelléas, Lakmé, Hamlet…). Sa présence physique et vocale constitue un des atouts majeurs – que nous saluons à chacune de ses prises de rôles.
Il se trouve bien épaulé par la soprano Siobhan Stagg (l’amour, sa femme), par Laurence Kilsby (l’amitié) ténor qui navigue depuis 2009 avec facilité du répertoire de Monteverdi à Bach, en passant par Sondheim.
Citons également l’enfant, incarné par Chadi Lazreq, qui nous a impressionnés par sa maturité et par son aisance en dépit de son jeune âge.
Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion (chœur et orchestre), soutenu par la Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique, ont su donner un accent particulier à cette œuvre dramatique qui nous est allée droit au cœur.
Nous retrouverons par ailleurs Stéphane Degout sur cette même scène, dans Le Voyage d’hiver de Schubert (le 14 février prochain), accompagné par le pianiste Alain Planès.
Philippe Pocidalo
29 janvier 2024.
Crédit photos : La Fabrique du spectacle ©Stefan Brion