Une « Nuit Wagner » à Londres. Non, les Anglais ne s’occupent pas que de Brexit.
Il y en a aussi qui vont au concert. Et ils le font tout l’été lors des célèbres « Prom’s concerts » qui, programmant des concerts quotidiens pendant deux mois et invitant des orchestres symphoniques et solistes de premier plan sont le plus grand festival de musique classique au monde. Il y a plus d’un siècle que cela dure.
Tous les soirs, quelque cinq mille personnes remplissent l’immense Royal Albert Hall, construit en 1867 par le mari de la Reine Victoria. Au parterre, les gens sont debout, s’immobilisant lorsque le concert commence. Sur les côtés, cinq impressionnants étages de sièges et de loges sont disposés en forme d’arène ovale. La salle est tapissée de rouge, les loges ornées de rideaux de même couleur. Le haut est couronné d’une galerie à colonnes et arcades, donnant au lieu une sorte de majesté antique. Un orgue impressionnant trône au fond de la scène. Tout cela donne une idée de la grandeur et de la puissance de l’Empire britannique du XIXème. siècle. Dans les loges, on peut se faire servir un en-cas pendant l’entracte.
Les concerts, retransmis par la BBC sont parmi les plus populaires d’Angleterre et d’Europe.
J’ai assisté, début septembre, à une soirée Wagner. (Wagner est venu en personne dans cette salle en 1877).
La fin du « Crépuscule des dieux » y était chantée par Christine Goerke en Brunnehilde et Stephen Gould en Siegfried, accompagnés par le Royal Philharmonic Orchestra sous la direction de Marc Albercht.
Ce fut un enchantement. Bayreuth, ce soir-là, avait été transporté en lisière de Hyde Park. Toute la magie wagnérienne était là.
Ce n’est pas pour rien que Christine Goerke a été la Brunnehilde de la dernière production du Met. L’ampleur de sa voix, les inflexions de son chant, sa présence scénique font merveille. L’américain Stephen Gould fut, lui, Siegfried à Bayreuth au milieu des années 2000. Il demeure impressionnant même si ses aigus sont fatigués.
L’orchestre était idéal, que ce soit dans les passages grandioses où les cordes se déchaînent en tempête, où les cuivres donnent à plein et où les percussions roulent comme des tonnerres ou bien dans les passages ténus où deux simples coups de timbales frappés dans le silence font trembler la salle entière et où un trait de violon murmuré dans l’aigu s’envole comme un chant d’oiseau de paradis. Tel Wotan au dessus de la Walhalla, Marc Albrecht dirigeait cela de main de maître. Ah, la belle Nuit Wagner !
André PEYREGNE