Opéra de Nice : UNE SOMNAMBULE …….ELECTRISANTE !!!
Retenez bien son nom, elle s’appelle Sara Blanch, elle est espagnole, ravissante et surtout talentueuse. En l’écoutant vendredi soir dans sa prise de rôle d’Amina, je ne pouvais m’empêcher de penser à une soirée de l’an de grâce 1985 au cours de laquelle Madame June Anderson faisait son apparition en France, à l’opéra de Nice, en abordant le rôle d’Elvire dans Les Puritains toujours au service de Bellini… Sara Blanch affiche la grâce juvénile bien sûr, mais aussi une sûreté vocale, une couleur de timbre et une légèreté pyrotechnique qui laissent entrevoir l’aube d’une carrière qui pourrait être aussi prestigieuse que celle de June Anderson… A suivre donc de très prés en espérant que cette belle somnambule se gardera d’aborder trop tôt des emplois qui tuent et cheminera intelligemment dans le parcours d’obstacles du monde lyrique.
A ses cotés Edgardo Rocha est un magnifique Elvino, dont les sonorités radieuses et les aigus mordorés rappellent au public niçois un certain Rockwell Blake.
Ce duo de choc est bien épaulé par le Comte Rodolfo d’Adrian Sâmpetrean dont les graves de bronze font opportunément écho aux sonorités aériennes de ses partenaires. Dans la fosse, le maestro Giuliano Carella apporte le poids de son expérience et maîtrise les arabesques belliniennes tout en veillant à ne pas couvrir le plateau dans les nombreux passages ou les registres centraux et graves des chanteurs sont sollicités. Sa direction traduit bien la douceur et le rêve, le conte de fées selon ses propres mots ou « tout est légèreté et délicatesse ».
Rolando Villazón trouve le moyen de faire parler de lui en prenant résolument le contrepied de l’esprit de l’ouvrage et en replaçant ce conte de fées dans les alpes suisses certes mais au cœur d’un glacier tout à fait réfrigérant et bien loin des forêts de hêtres, des ruisseaux et des pâturages décrits dans le livret ; au cœur de ce glacier vit une communauté dont les contours sociétaux évoquent plutôt une secte aux mœurs étriqués et rigides. Tout cela est bien loin de l’allégresse de ton et des mélismes de l’écriture enjouée de Bellini et comme notre ténor devenu metteur en scène n’en est pas à une contradiction près, il va dénouer l’écheveau des rêves de notre belle somnambule en consacrant l’union d’Elvino et de…Lisa, Amina s’emparant quant à elle fougueusement d’une valise pour aller vivre finalement sa vie sous d’autres cieux….
Le public est resté quelque peu éberlué par l’audace et l’incongruité de l’invention mais a fort justement acclamé le plateau et réservé une ovation à Sara Blanch pour sa lumineuse prestation.
Un spectacle de très haute tenue musicale qui fait honneur à l’opéra de Nice.
Yves Courmes.
Vendredi 4 novembre 2022
Sonnambula de Bellini à l’Opéra de Nice du 4 au 8 novembre
Co-production avec le MET, le Théâtre des Champs-Elysées et le Semperoper de Dresde