L’entrée au répertoire d’un ouvrage à l’Opéra de Paris demeure toujours un événement.
Nixon in China de John Adams que nous avions eu la chance de découvrir en 2012 au Châtelet sous la direction de Jean-Luc Choplin confirme qu’il s’agit bien là d’une œuvre maîtresse du 20ème siècle. Elle rencontra un succès international à sa création à Houston en octobre 1987.
Adams, non seulement compositeur mais également chef d’orchestre, avoue avoir été fortement inspiré par la musique minimaliste et par un de ses maîtres, à savoir Steve Reich, de 11 ans son aîné.
On pense aussi au cœur de ce répertoire musical comtemporain américain à Philip Glass (Einstein on the beach) qui rivalise de créativité avec ces derniers.
Trois actes constituent l’opéra : nous sommes à Pékin en 1972, l’avion présidentiel américain transporte Richard Nixon et son épouse Pat. Ils sont accueillis par le premier ministre chinois qui leur annonce que Mao Zedong – via le secrétaire d’État américain Kissinger – va les recevoir pour une conférence de presse. Un banquet clôturera cette journée sous haute tension ou les désaccords nombreux apparaîtront.
Le second acte met en scène Madame Nixon qui va tour à tour visiter une usine, une école, un hôpital du peuple, le Palais d’été… et les tombeaux de la dynastie Ming. La soirée pour les époux sera consacrée à une représentation d’un ballet révolutionnaire au cours de laquelle Madame Mao se montrera sous son vrai jour, à savoir être une féroce et impitoyable partisane du régime mis en place par son mari.
Une dernière soirée à Pékin sert de cadre au troisième acte qui met l’accent sur les deux couples : chacun évoquera sa vie, ses désillusions, ses idéaux… beaucoup de nostalgie surgit alors, l’heure des bilans semble avoir sonné.
L’intrigue résumée ainsi peut paraître simple mais il s’agit bien d’une œuvre assez complexe où se mêlent la politique, les conflits et les tourments intérieurs des personnages qui embarqués dans un tourbillon de contradictions nous perdent parfois un peu en chemin.
Que dire de la production d’aujourd’hui ?
Nous vous parlions de la mise en scène de Chen Shi-Zhen avec Franco Pomponi, June Anderson et Sumi Jo qui avait suscité un réel enthousiasme à sa création parisienne ; nous le sommes tout autant avec la réalisation de Valentina Carrasco, brillante femme de théâtre argentine qui nous livre un somptueux livre d’images.
Du grand spectacle nous est offert : dragons, avion supersonique, pluie d’étoiles et autres effets, l’impressionnante machinerie de l’opéra Bastille sert à merveille cette page d’histoire racontée tel un roman graphique.
Nous ne pouvons de surcroit qu’applaudir le plateau artistique : Thomas Hampson campe un superbe Nixon. Il n’a rien perdu au fil du temps de ses qualités vocales et de comédien ; face à lui, Renée Fleming semble très à l’aise dans ce “rôle” d’épouse en retrait qui hallucine en découvrant un monde qui lui échappe totalement.
Ils sont tous les deux émouvants dans l’évocation de leurs jeunes années.
Il en va de même pour les époux Mao. John Matthew Myers et Kathleen Kim (remarquable soprano) font merveille.
Nous saluons au passage l’ensemble de la distribution dirigée par Gustavo Dudamel qui distille avec tact cette si brillante partition qui prend selon les tableaux des accents très différents.
Plaisir des yeux et des oreilles, nous sortons véritablement comblés de ce Nixon in China qui fera date dans l’histoire de l’Opéra de Paris.
Philippe Pocidalo
4 Avril 2023
Nixon in China fait l’objet d’une captation produite par l’Opéra national de Paris, avec le soutien de la Fondation Orange, mécène des retransmissions audiovisuelles de l’Opéra national de Paris, et sera retransmis en direct le 7 avril 2023 sur la plateforme de l’Opéra « Paris Opera Play».
https://play.operadeparis.fr/
Diffusion ultérieure sur France Musique à 20h dans le cadre de l’émission « Samedi à l’Opéra », présentée par Judith Chaine – Ce concert est proposé en son immersif.
Prochaines repésentations 7-10-12 et 16 Avril :
https://www.operadeparis.fr/saison-22-23/opera/nixon-in-china#calendar
