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« Musique Baroque en Avignon » sublime l’Armide de Karine Deshayes, pour la dernière de Raymond Duffaut

« Musique Baroque en Avignon » sublime l’Armide de Karine Deshayes, pour la dernière de Raymond Duffaut

dimanche 14 décembre 2025

©DR

C’est un concert certes condensé, mais aux émotions multiples, auquel était convié le public avignonnais ce dimanche après-midi. L’ancien directeur Raymond Duffaut, entre autres de l’Opéra Grand Avignon et des Chorégies d’Orange, ceci pendant plusieurs décennies, abandonne en effet sa dernière casquette de conseiller artistique de Musique Baroque en Avignon (MBA). Après vingt ans de bons et loyaux services en tant que conseiller de MBA, ce grand monsieur et figure incontournable du paysage hexagonal lyrique pendant un demi-siècle, passe la main aux deux mezzos Karine Deshayes et Delphine Haidan, le nouveau trio de direction artistique étant complété par Jean-Michel Dhuez. Et pour son dernier concert en tant que responsable – mais il assure qu’il continuera de venir à l’opéra, comme spectateur ! – Raymond Duffaut ne pouvait imaginer sur scène une autre artiste que Karine Deshayes, avec laquelle il lie une relation d’amitié depuis fort longtemps.

Le concert intitulé Armida abbandonata aborde la figure d’Armide, contée par le Tasse dans La Jérusalem délivrée, la magicienne séductrice finalement abandonnée par le croisé Renaud (Rinaldo). Les compositeurs sont nombreux à avoir écrit sur cette intrigue, entre Gluck, Haydn, Rossini ou encore Dvořák, mais ce sont assez logiquement les plus baroqueux Lully, Vivaldi, Händel qui sont convoqués cet après-midi.

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Sous la direction de son fondateur Jérôme Corréas en 2001, Les Paladins jouent ici en petite configuration de cinq musiciens, soit deux violons, un violoncelle et un théorbe, tandis que Jérôme Corréas tient également le clavecin. Ce petit tissu orchestral, souvent délicat et bien homogène, développe les courts extraits instrumentaux tirés de l’Armide de Jean-Baptiste Lully (ouverture – sarabande – marche), les mélodies principales étant prises en majorité par le premier violon.

Vivaldi enchaîne avec Se correndo in seno al mare, air tiré de son opéra Armida al campo d’Egitto et chanté par le personnage d’Osmira, nièce du calife et amoureuse d’Adrasto, ce dernier séduit par Armida et lui-même amoureux de celle-ci. Dans ce passage où Osmira garde espoir, Karine Deshayes montre un caractère affirmé, en enflant puissamment certains aigus, tandis que sa souplesse vocale lui permet de passer avec fluidité les courts traits d’agilité.

Retour à Lully ensuite avec la Passacaille d’Armide, une musique raffinée et qui dégage une certaine majesté, même en présence du nombre réduit d’instrumentistes. On garde le même compositeur, mais en remontant d’une vingtaine d’années en arrière pour l’air d’Armide Ah ! Rinaldo, e dove sei ? extrait du Ballet des Amours déguisés. Cette composition italienne en plusieurs petites sections nous évoque une courte scène lyrique ou cantate, la mezzo rendant palpables les affects qui passent du lamento (Ah ! Rinaldo, e dove sei ? Dunque tu partir potesti) à des passages bien plus agités dont le relief dramatique culmine en des Ciechi Amor (…) Fuggite da me finaux et répétés avec rage. L’accompagnement instrumental, aussi bien pour les séquences lentes que rapides, oscille entre le continuo du jour – clavecin, violoncelle et théorbe – et la formation au complet avec le renfort des deux violons.

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On passe à Händel en fin de programme, d’abord pour une Sonate où les deux violons échangent régulièrement leurs mélodies, dans une forme de dialogue, puis pour le morceau de choix du concert, Armida abbandonata HWV 105, cantate pour soprano, 2 violons et basse continue. On y reconnaît le meilleur Händel pour son art mélodique particulièrement inspiré, superbement servi par la fine musicalité de Karine Deshayes, qui nuance idéalement entre mezza voce et projection davantage appuyée, comme lorsqu’elle bascule dans la fureur sur les mots eppur tu m’abbandoni, infido amante. Là encore, plusieurs aigus impressionnent par leur ampleur, au paroxysme de la colère envers Rinaldo, mais on finit dans la tristesse pour l’élégiaque dernière section In tanti affanni miei.

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A l’issue du programme, Karine Deshayes prend le micro pour s’adresser au public, en étant rapidement envahie par l’émotion. Elle rappelle les forts liens d’amitié avec l’ancien directeur, en indiquant qu’elle s’est déjà produite huit fois à Avignon, depuis sa première apparition en 2001.

Pour le bis qu’elle dédie à Raymond Duffaut, nous restons chez Händel avec le célèbre Lascia ch’io pianga, air tiré de Rinaldo et chanté dans un souffle. La voix est aérienne et module de subtiles variations dans la reprise, pendant que Jérôme Corréas intercale de brefs silences qui rendent encore davantage inoubliable ce moment.

Irma FOLETTI
14 décembre 2025

 

Concert Armida abbandonata – Lully, Vivaldi, Händel
Opéra Grand Avignon, le 14 décembre 2025

Mezzo-soprano : Karine Deshayes
Direction musicale : Jérôme Corréas

Ensemble Les Paladins

« Armida abbandonata » : extraits de Jean-Baptiste Lully, Antonio Vivaldi, Georg-Friedrich Händel

 

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