L’une des plus célèbres cantatrices de notre époque (connue en France pour avoir participé comme protagoniste d’opéras retransmis au cinéma en direct du Metropolitan Opera de New York) faisait ses débuts à Monte-Carlo à l’occasion des représentations de Street Scene.
Nous rendons compte dans notre chronique Opéra de l’œuvre de Kurt Weill donnée à l'Opéra de Monte-Carlo mais également dans la chronique Musique symphonique/ Récital de celui de la soprano américaine, Diva On Detour, qui était consacré aux pages célèbres des comédies musicales de Boadway et aux chansons populaires notamment celles d’Edith Piaf.
A ces occasions Hervé Casini et Catherine Pellegrin ont rencontré Patricia Racette.
Quel plaisir de vous entendre à Monaco ! Vous êtes plutôt rare en dehors des scènes américaines. Comment avez-vous découvert la partition de Street Scene ?
J’étais très excitée au moment d’accepter la proposition du Théâtre Real de Madrid ! Même si j’avais déjà eu l’occasion de chanter des chansons de Kurt Weill, Street Scene est le premier opéra de ce compositeur que je chante sur scène et je suis extrêmement heureuse que ce soit à la fois à Madrid et à Monte-Carlo, dans cette extraordinaire production !
Le personnage d'Anna Maurrant que vous interprétez est, tant du point de vue de la musique que de celui du texte, d’une grande profondeur. En quelques mots, que pourriez-vous nous dire de lui ?
Anna Maurrant est un personnage difficile pour l’interprète. L’histoire tourne autour de ses actes, y compris de ceux provoquant les réactions des gens et du voisinage. La difficulté relève de la construction de son identité personnelle à laquelle il est souvent fait allusion mais qui n’est pas directement montrée sur scène.
Dans son premier air « Somehow I never could believe » (« D’une façon ou d’une autre, je n’aurais jamais cru… ») elle parle d’une vie meilleure et croit fermement en l’espoir de pouvoir l’atteindre tout en reconnaissant que sa propre vie s’est déroulée dans un climat de tristesse.
Le sujet de Street Scene demeure d'une actualité brûlante : immigration, statut des étrangers, expulsions, statut de la femme dans certaines sociétés, violences conjugales, indifférence du voisinage et commérages, difficulté d'aimer sans appartenir… Cela fait beaucoup de thèmes pour un seul ouvrage, non ?
Street Scene est particulièrement audacieux par son sujet, ses personnages et ses styles musicaux et, bien évidemment, les conflits dont il y est question sont toujours d’actualité. Nous connaissons encore la xénophobie – voyez ce qui a pu être dit du corona virus !… – et il est bien triste de constater que les femmes sont toujours victimes de violences domestiques, même si ce n’est plus accepté dans la société actuelle. Oui, Street Scene contient de bien nombreux thèmes !
Vous êtes bien connue pour vos incarnations des grandes héroïnes d'opéra (en particulier de Puccini et de la "Giovane Scuola") mais le théâtre musical et le monde de Broadway vous intéresse également beaucoup : vous avez, en particulier, interprété la bouleversante Julie La Vergne de Show Boat de Jerome Kern à l’Opéra de San Francisco en 2014… Comment avez-vous découvert le monde de la comédie musicale?
Mes jeunes années de chanteuse ont été remplies de jazz et de chansons de cabaret et j’ai découvert très tôt l’univers du théâtre musical. L’Opéra est venu beaucoup plus tard ! Lorsque je suis revenue à mon répertoire de cabaret – pour mon album Diva on Detour en 2013 – c’était guère de temps après avoir ajouté à mon répertoire lyrique des œuvres telles que Show Boat. J’espère qu’il y aura bien d’autres occasions d’étendre mon répertoire de théâtre musical. J’ai mis aussi au programme de mon récital quelques chansons d’Edith Piaf qui est pour moi une chanteuse extraordinaire. Sa voix comme son engagement me fascinent. Je songe dans mes futures prestations à consacrer un concert entier à cette immense interprète de la chanson française.
Quels sont les rôles que vous auriez envie d'aborder dans ce domaine ?
Et bien, dans ma liste de vœux il y aurait Margaret Johnson dans The Light in the Piazza d’Adam Guettel, deux œuvres de Stephen Sondheim : Désirée Armfeld dans A Little Night Music (que je chanterai bientôt en Amérique mais je ne peux encore révéler où…) et Sally Plummer dans Follies, Norma Desmond dans Sunset Boulevard d’Andrew Lloyd Webber ou encore Nettie Fowler dans Carousel… Je prends d’autres idées si vous en avez… ! (rires)
Propos recueillis et traduits de l’anglais par Hervé Casini et Catherine Pellegrin