Logo-Resonances-Lyriques
Menu
LA TRAVIATA/LE PIN GALANT (MÉRIGNAC) / COMPAGNIE OPÉRA 2001

LA TRAVIATA/LE PIN GALANT (MÉRIGNAC) / COMPAGNIE OPÉRA 2001

jeudi 20 novembre 2025

©Opera2001

Le Pin Galant a proposé la Traviata de Giuseppe Verdi (1813-1901) dans la production de la compagnie « Opéra 2001 ». La Traviata est un des opéras les plus repris dans le monde et le public vient toujours nombreux pour voir ou revoir ce chef d’œuvre absolu qui continue à lui parler.

Le répertoire, c’est ce petit nombre d’œuvres que les musiciens aiment jouer et que le public aime entendre, disait en substance Steve Reich…

DSC 2710 1
©Opera 2001

Quelques clefs

Sa création ne passa pas inaperçue en 1853 à la Fenice de Venise. Non seulement parce que le public percevait des allusions à la vie du compositeur (vivant une union libre avec Giuseppina Strepponi), mais surtout parce qu’il brossait un tableau des mentalités de l’époque, sujet dont l’opéra ne s’était jusque là que rarement emparé avec une telle force. L’ouvrage était tiré d’un roman français et de la pièce qui le mettait sur scène d’Alexandre Dumas fils, La Dame aux camélias (1848 / 1852). Retour au français avec la traduction de l’opéra d’Édouard Duprez en 1864 pour le Théâtre Lyrique du Châtelet (la première en langue originale avait eu lieu aux Italiens en 1856).

La demi-mondaine, à la charnière de la Révolution de 1848 et du Second Empire, est un personnage fréquent au théâtre et il est représenté dans son monde à part qui fascine mais qui est aussi mis à distance. Ce qui va choquer, c’est que la demi-mondaine puisse se sacrifier par amour et passer pour victime aux yeux de la société. Or c’est ce regard que dépeignent Verdi et son librettiste Piave. L’opéra est construit de telle façon qu’il oppose le tableau de la société, brillant ou cruel, et les scènes intimistes. Dans ce dernier contexte Violetta s’efface, notamment lorsqu’elle quitte Alfredo à la fin du premier tableau de l’acte II, plus qu’elle ne se confronte aux normes dictées par la société. Son retour au bal de Flora, décidé sur un coup de tête, semble la surprendre elle-même et la trouve désemparée.

La société conventionnelle s’incarne dans le discours moralisateur, ainsi qu’on peut le voir à l’acte II de façon presque caricaturale avec l’intervention de Giorgio Germont, le père d’Alfredo. Plus largement elle s’exprime dans le « finale secondo » du même acte, plus sombre que la fête chez Violetta, et où l’argent dévoile son emprise sordide sur les relations amoureuses.

DSC 3209 1
©Opera2001

La mise en scène d’Aquiles Machado

La mise en scène d’Aquiles Machado est classique, ce qui peut permettre de mettre en lumière des aspects de l’ouvrage qu’occulte le systématisme de certaines relectures. La Traviata fourmille de micro-péripéties qui font comprendre la marche de l’action, des échanges furtifs ou intempestifs, des lettres…

DSC 2874
©Opera2001

La mise en scène d’Aquilo Machado apporte de la lisibilité, une narration à laquelle le public s’intéresse. L’intrigue se déroule dans une scénographie d’Alfredo Troisi (il signe également les costumes) qui consiste en quatre élégants décors en dur ; certains éléments permanents créent un climat d’enfermement. Violetta ne peut sortir de son statut de courtisane sans être exclue du champ social admis par l’époque, sa seconde détermination étant la maladie qui progresse d’acte en acte. La mise en scène a apporté un soin tout particulier aux événements festifs : le chœur est chorégraphié à l’acte I, le ballet des bohémiennes et des toreros lors de la fête chez Flora devient une page à part entière jouée par le « Ballet Espagnol de Murcie » réglé de main de maître par Matilde Rubio ; le divertissement du Carnaval aura tout autant d’impact sur le tragique du dernier acte. La Traviata fait sens à travers les rapports entretenus entre la vie intime et le monde social.

Le plateau et l’orchestre

Le rôle de Violetta est un des rôles les plus délicats du répertoire par son aspect novateur du pont vue dramatique et musical au dix-neuvième siècle. On ne s’étonne pas qu’il ait séduit de tout temps les plus grands noms du chant et du théâtre confondus.

DSC 2665
©Opera2001

Il est distribué au Pin Galant à la soprano Héloïse Koempgen Bramy qui fait exister au premier acte son personnage à travers les contrastes voulus par le chant bien conduit et le jeu qu’elle y associe : le canto spianato de « E Strano ! » opposé au brillant de la strette (« Sempre libera »). Au deuxième acte l’émotion est visible et les inflexions vocales adaptées lorsqu’elle aborde le sacrifice à travers les accents déchirants des notes ; l’amoureuse de Rodolfo passe du « Più non esiste » au revirement du « Dite alla giovine ». On sent Violetta littéralement angoissée chez Flora où elle regrette de se trouver, la voix se calquant sur les courbes mélodiques tourmentées. Enfin au dernier acte les demi-teintes et la voix sur le souffle permettent à Héloïse Koempgen Bramy de traduire à la fois l’effroi devant la mort et une forme d’apaisement, comme si la pièce se terminait bien (rien de violent comme partout ailleurs chez Verdi), n’était l’implacable maladie.

DSC 2696
©Opera2001

David Baños, que nous avions chroniqué la saison dernière dans Tosca, revient dans Alfredo qu’on apprécie dans son air de l’acte I (« Un di felice »), celui de l’acte II (« De’ miei bollenti spiriti »), suivi de sa vibrante cabalette, dans le chant plus mordant dans son désespoir suite à la perte de son amante (que couronnera le sublime « Amami Alfredo » de Violetta) ou dans son violent dépit de la fin de l’acte II. Le « Questa donna conoscete » ne manque pas de fougue. Il est passionné à souhait lorsqu’il retrouve Violetta à l’article de la mort. David Baños est un véritable ténor dramatico-lyrique, au timbre clair et aisé, à la ligne de chant bien conduite.

DSC 2807
©Opera2001

C’est une découverte pour nous que celle de l’excellent baryton Paolo Ruggiero dans le rôle de Germont. On est face à un véritable baryton Verdi, à l’émission claire, à l’aisance dans le phrasé, à la projection sans faille. On ne s’étonnera pas qu’il ait tous les atouts pour faire exister un personnage complexe qui passe dans son grand duo avec Violetta de la quasi-grossièreté à cette empathie qui va aller croissante dans l’air lui-même, puis d’acte en acte notamment dans les finales que Germont vient conclure. Son air « Di Provenza il mare, il suol » de l’acte II a conquis la salle. La cabalette, certes très artificielle, aurait pu être restituée pour un artiste de cette trempe.

DSC 3502
©opera2001

Les six rôles secondaires de la Traviata demandent à être judicieusement distribués.

Dans Flora le beau mezzo de Erika Prostamo donne un vrai relief au rôle. Le baron Douphol d’Aurelio Palmieri est vocalement solide. Belle prestation d’Emanuele Collufio dans le marquis d’Obigny. Très remarqué pour son timbre et son jeu, Khongor Baatarkhuu dans Gastone est parfait. Le docteur de Baterdene Sosorbaram énonce noblement ses phrases de la fin et s’intègre bien à l’ensemble final. Pas de Traviata réussie sans une Annina bien choisie : Xue Jia est excellente dans le rôle compris avec toute sa finesse.

L’Orquesta Sinfónica Opera 2001 est chez lui avec un ouvrage comme Traviata dont le chef Martin Mázik lui fait épouser la dimension mélodique et rythmique, les enjeux du style propre à Verdi et la langue théâtrale. Le Coro Lírico Siciliano chante avec beaucoup d’engagement et de verve les parties où il intervient, notamment festives.

Le public a rythmé de longs applaudissements à la fin du spectacle.

Didier Roumilhac
20 novembre 2025

Direction musicale : Martin Mázik
Mise en scène : Aquiles Machado
Scénographie et costumes : Alfredo Troisi

Violetta : Héloïse Koempgen Bramy
Alfredo : David Baños
Germont : Paolo Ruggiero
Marquis d’Obigny : Emanuele Collufio
Baron Douphol : Aurelio Palmieri
Gaston : Khongor Baatarkhuu
Flora : Erika Prostamo
Annina : Xue Jia
Le docteur : Baterdene Sosorbaram

Orquesta Sinfónica Opera 2001

Coro Siciliano (maestro : Francesco Costa)

Ballet Espagnol de Murcie (chorégraphie : Matilde Rubio)

Imprimer
Cookies
Nous utilisons des cookies. Vous pouvez configurer ou refuser les cookies dans votre navigateur. Vous pouvez aussi accepter tous les cookies en cliquant sur le bouton « Accepter tous les cookies ». Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre Politique de confidentialité et des cookies.