Elégante, souriante, femme de classe dans sa robe noire, voici Elisso Bolkhvadze à l’Opéra de Nice. Elle est la Ministre de la Culture de Géorgie. Ce soir-là, elle faisait partie du jury du concours international des French Riviera Masters1, organisé avec le soutien du Conseil départemental par l’association Résonances Lyriques. La finale du concours s’est déroulée dans le cadre de « C’est pas classique » en présence d’Auguste Vérola, (vice-président du conseil départemental) et d’Éric Ciotti, Président de la commission des finances du conseil départemental).
Elisso Bolkhvadze a plus que tout autre sa place dans ce jury, étant elle-même pianiste concertiste. Il peut en effet exister des ministres de la culture qui sont aussi des artistes !
Ex enfant prodige, elle fait partie de ceux dont les doigts ont appris à parler avant les mots : premier concert avec orchestre à sept ans, premier récital à douze.
Comment est-elle arrivée à son poste gouvernemental ?
« Au fur et à mesure que ma carrière s’avançait, que je me produisais dans le monde, que je rencontrais des gens d’opinions et de culture différentes, j’ai ressenti que les artistes peuvent avoir un rôle éminent pour protéger ce bien infiniment précieux qu’est la paix dans le monde. J’ai alors accepté d’être « artiste pour paix » de l’UNESCO, rejoignant ainsi des artistes comme Céline Dion, Claudia Cardinale. »
Un jour vint le Covid. Une chape de silence, de solitude ; un monde qui s’arrête et se tait comme un piano dont on aurait refermé le couvercle.
« Dans cette immobilité forcée, l’idée m’est venue que je pourrais servir autrement, tout en continuant mon métier », confie-t-elle.
Ainsi entra-t-elle au gouvernement.
On était plus de dix ans après le conflit territorial de 2008 entre Russie et Géorgie au sujet de l’Ossétie du Sud.
« Aujourd’hui, dix-sept ans après, rien n’est réglé, déclare Madame la Ministre avec une gravité douce. Mais une chose est certaine : seul le dialogue pourra mener à la fin de ce conflit. Pas la guerre. Nous sommes voisins, partageant la même religion orthodoxe… Il est inconcevable de s’entre-tuer. »
Parole d’artiste.
Le hasard – ce vieux scénographe taquin – voulut qu’en ce jeudi soir à l’Opéra, la finale oppose justement une Géorgienne à un Russe.
« Voilà la preuve, nous dit-elle qu’on peut s’affronter en musique, avec respect, sans s’entre-tuer ».
Et la scène, ce soir-là, rendit son verdict : le Russe Valentin Malinin jouant le 3ᵉ concerto de Prokofiev avec une fougue étincelante surclassa la Géorgienne Barbare Tataradze, plus académique, dans l’interprétation du 2ᵉ Concerto de Chopin.
Ah si tous les conflits du monde pouvaient se régler entre artistes sur une scène d’opéra au son de la musique de Chopin et de Prokofiev !
André PEYREGNE
1https://frenchrivieramasters.com/
Composition du jury :
Hélène Mercier, présidente,
Elisso Blkhvadze, pianiste, ministre de la culture de Géorgie,
Humberto Fanni, directeur de l’Opéra d’Oman,
Christian Debrus, pianiste.
