Cette nouvelle production de l’Opéra-Comique, mise en scène par Wajdi Mouawad, atteste de la volonté de nous faire découvrir (ou redécouvrir) les destins de personnages mythiques que la musique a transcendés.
Samson (Rameau), Médée (Cherubini), Armide (Lully) ont fait l’objet entre autres de spectacles mémorables, rendant ainsi hommage aux grandes tragédies lyriques.
C’est au tour aujourd’hui d’Iphigénie d’être à l’honneur dans ce flamboyant opéra de Gluck (datant de 1779) ; Louis Langrée (en alternance avec Théotime Langlois de Swarte) est en charge de la direction de
l’orchestre Le Consort et du chœur Les éléments.

L’action se concentre sur quatre personnages principaux : Iphigénie la prêtresse, le roi Thoas ainsi que deux guerriers grecs (Oreste et Pylade).
Le début du spectacle nous transporte dans un musée en Crimée (occupée par les Russes) ; un parallèle se fait à l’aide d’une vidéo – plus qu’explicite – entre la situation politique actuelle et celle voulue par le librettiste d’origine : Nicolas-François Guillard.
En effet, la Crimée s’appelait jadis Tauride ; l’occasion était trop belle de faire passer certains messages implicites – laissés toutefois à la réflexion des spectateurs…
Un décor unique servira ensuite de cadre à l’ouvrage ; les scènes marquantes des sacrifices sanglants se révèlent d’un réalisme glaçant et attestent la volonté du metteur en scène de souligner l’horreur de la situation.

La réussite de l’entreprise – outre la couleur intemporelle de la musique qui nous transporte -repose largement sur une exceptionnelle distribution.
Tout d’abord le choix de l’héroïne : Tamara Bounazou fait d’éclatants débuts dans le rôle d’Iphigénie. Sa voix solide impressionne ; son jeu précis ne paraît jamais excessif. Elle nous ramène quelques années en arrière, au moment où nous découvrions avec bonheur Anna-Caterina Antonacci.

Un bel avenir s’ouvre devant elle : les grands rôles de tragédienne lyrique lui tendent les bras. Oreste (Theo Hoffman) enflamme la scène, avec un rôle pourtant ingrat qu’il doit affronter avec une exigence du metteur en scène qui le place dans une position parfois déstabilisante.

Le velouté du ténor Philippe Talbot (Pylade) nous offre de jolis moments ; l’osmose semble parfaite avec Oreste. Son jeu sensible convainc totalement.
Nous retrouvons Salle Favart Jean-Fernand Setti (Thoas), qui après avoir incarné Escamillo en 2023, demeure une impressionnante basse.
Ce quatuor d’exception, magnifiquement entouré de jeunes artistes plus que prometteurs (on peut citer Léontine Maridat-Zimmerlin et Fanny Soyer, ainsi que Lysandre Châlon) atteste de la volonté de cette maison d’opéra de sortir des sentiers battus.
Philippe Pocidalo
2 novembre 2025
Direction musicale : Louis Langrée (du 2 au 6 nov.)/Théotime Langlois de Swarte (du 8 au 12 nov.)
Mise en scène et texte : Wajdi Mouawad
Dramaturgie : Charlotte Farcet
Scénographie et création du tableau : Le Sacrifice d’Iphigénie : Emmanuel Clolus
Costumes, coiffures, perruques, maquillage : Emmanuelle Thomas
Chorégraphie : Daphné Mauger
Lumières : Éric Champoux
Iphigénie : Tamara Bounazou
Oreste : Theo Hoffman
Pylade : Philippe Talbot
Thoas : Jean-Fernand Setti
Diane/Deuxième prêtresse : Léontine Maridat-Zimmerlin
Une femme grecque/Première prêtresse : Fanny Soyer
Un Scythe/Un ministre du sanctuaire : Lysandre Châlon
Comédien : Anthony Roullier
Voix annonce du musée : Daria Pisareva
Orchestre : Le Consort
Chœur : Les éléments
Chef de chœur : Joël Suhubiette





