Derrière ce duo de renommée internationale se cache une histoire : en 2008, Cecilia Bartoli organisa un marathon de concerts en hommage à la chanteuse Maria Malibran. Pour cet événement, elle réunit quelques-uns des plus grands musiciens du monde, dont le pianiste Lang Lang. Ils réalisèrent rapidement qu’ils étaient animés d’une énergie similaire, ainsi que d’une rivalité virtuose, qu’ils embrassèrent avec une grande joie, donnant naissance à une heureuse collaboration artistique qui se poursuit aujourd’hui à Baden-Baden, avant Hamburg, Dortmund, Cologne, Paris et Amsterdam

Au Festspielhaus de Baden-Baden, les 2500 places se sont rapidement arrachées, à tel point que les organisateurs ont dû rajouter des chaises directement sur la scène, de part et d’autre des artistes, ainsi qu’une dizaine de rangs devant la scène. Cette première pour la grande salle du Festspielhaus a visiblement séduit et convenu à tout un chacun, à commencer par les privilégiés qui étaient au plus près (dont je faisais partie). Il est vrai qu’avoir Lang Lang en face de soi et Cecilia Bartoli qui se tourne de temps à autre pour décocher une œillade à ses voisins d’un soir est une expérience inoubliable et la sensation d’une proximité intime est un cadeau exceptionnel.

Le programme de ce soir est extrêmement varié, essentiellement romantique, allant de Scarlatti à Puccini et de Bizet à Debussy, composé de courtes pièces très connues mêlées à quelques raretés. La première partie est consacrée au « baroque » avec quelques pièces de Scarlatti, Parisotti, Paisiello, Häendel, pour finir avec Schubert et Rossini. L’interprétation tout à fait personnelle de Bartoli dans ces airs bien connus, donne l’impression de les entendre pour la première fois. Sa coquetterie féminine dans l’air « se tu m’ami » de Parisotti est absolument ravissante. Son « lascia la spina » de Georg Friedrich Haendel, par contre, est légèrement poussif (peut-être dû à l’accompagnement trop tempéré de Lang Lang). L’ Impromptu de Franz Schubert est joué de manière très épurée par Lang Lang, effleurant à peine les touches du piano. Le dernier morceau « Una Voce poco fa » de Gioacchino Rossini est une merveille. Cecila Bartoli dans une robe rouge écarlate qui a mis en valeur ses formes généreuses et ultra-féminines n’a certes plus 20 ans mais possède une technique époustouflante de maîtrise.

Après la pause, la « diva » revient dans une robe vert émeraude (identique à la rouge de la première partie), le visage radieux avec une énergie communicative. Elle interprète de Rossini délicatement « L’orpheline du Tyrol » extrait des Péchés de Vieillesse . « La coccinelle » de Georges Bizet est délicieuse. « Les filles de Cadix » de Léo Delibes sont chantées avec beaucoup de caractère et….accompagnées par Bartoli aux castagnettes. L’arietta « Vaga Luna » de Vincenzo Bellini offre un contraste saisissant avec Rossini. Elle a offert de longues lignes legato « bel canto » une spécialité de Bartoli. Son « O mio babbino caro » extrait de Gianni Schicchi de Puccini est un moment délicat et sincère où l’émotion domine, suivi d’un Clair de Lune de Debussy interprété par Lang Lang très habité dans cette œuvre. «Ti voglio tanto bene» d’Ernesto de Curtis et exquis, romantique à souhait. Le concert s’achève sur la « Danza » de Rossini, que Bartoli, s’accompagnant elle-même au tambourin, chante à une vitesse époustouflante.
Il va sans dire que cette soirée de gala se termine sous un tonnerre d’applaudissements, de nombreux bouquets de la part des « fans » de Bartoli.
Mais la soirée est loin d’être terminée, puisque Cécilia Bartoli interprète de Georges Bizet, extrait de Carmen « près des remparts de Séville ». Elle nous enchante par son jeu subtil, le rythme et la séduction de cet air qui lui va si bien. Elle revient avec « Non ti scordar di me » de Curtis, et pour finir un dernier bis « O sole moi » d’Eduardo di Capua.
La salle est debout, enthousiaste et même « en délire »
Cecilia Bartoli allie intelligence, charme, chaleur, charisme subtilité.
Une belle soirée et un cadeau précieux !!!
Marie-Thérèse Werling
31 octobre 2025
								


