Nous voici de retour dans la salle du New National Theatre Tokyo, toujours très bel auditorium de bois sombre où le public reste d’une immobilité absolue pendant toute la durée de l’opéra, et respecte un silence très appréciable… ceci étant d’ailleurs valable pendant le précipité entre les deux premiers actes, pour changement des décors !
La production de Jun Aguni a été créée in loco en 2003 et fait figure de spectacle au répertoire du NNTT qui peut être régulièrement proposé aux spectateurs tokyoïtes, pour un succès assuré. Dans les décors très réalistes de Pasquale Grossi, il ne manque en effet rien à la mansarde des bohèmes aux actes premier et quatrième, située sous des toits à verrière et où la sensation de froid est bien rendue. Le deuxième acte est aussi spectaculaire, entouré de hauts éléments mobiles et toiles peintes d’immeubles qui forment une perspective agréable à l’oeil. Les mouvements de foule sont bien réglés et quelques tables amenées en avant-scène suffisent à suggérer le Café Momus.
Un tulle ferme en revanche le cadre de scène pendant toute la durée du troisième acte de la Barrière d’Enfer. Chose toutefois curieuse, on aperçoit d’abord l’auberge où vivent Marcello et Musetta en fond de plateau, avant qu’une réplique ne soit poussée en avant-scène, à cour. Pour le reste, rien que de très classique avec la neige qui tombe de manière ininterrompue pendant que la pauvre Mimì vient chercher son amoureux qui s’est enfui.
Les deux rôles principaux de Mimì et Rodolfo dominent la distribution vocale, en commençant par Marina Costa-Jackson, une voix qui n’est pas surpuissante, mais très musicale et chargée de sentiments. Entre la délicatesse de son air d’entrée et sa mort conclusive, les moments d’émotion sont nombreux, point fort plutôt essentiel de cette représentation. Luciano Ganci est un Rodolfo vaillant, de format ténor lyrique et doté d’une projection dynamique. On apprécie aussi ses intentions de varier les nuances, comme le dernier mot “amore” pris en voix de tête pour terminer le premier acte, en duo avec Mimì.
Massimo Cavalletti incarne un Marcello au timbre obscur où on décèle par moments un vibrato développé et à la partie supérieure du registre pas d’une stabilité absolue. La Musetta de Hare Ito se montre plus brillante dans la partie aiguë de son air “Quando men vo” que dans son registre grave. Toshiaki Komada tient son rôle de Schaunard, sans séduction particulière du timbre, tandis que la voix sombre d’Andrea Pellegrini correspond au personnage de Colline, d’une puissance vocale toutefois mesurée.
La direction musicale de Paolo Olmi est une belle réussite, dans l’excellente acoustique de cette salle qui met bien en valeur la partie orchestrale, et aurait d’ailleurs tendance par séquences à passer par-dessus les voix. On peut entendre tous les menus détails de la partition, dans une définition du son assez idéale. Les tempi ne sont pas spécialement rapides, en particulier pour le deuxième acte, facilitant ainsi le respect du rythme pour les masses chorales. A ce propos, les chœurs des adultes et des enfants font un sans-faute.
Irma FOLETTI
4 octobre 2025
Direction musicale : Paolo OLMI
Mise en scène : Jun AGUNI
Décors : Pasquale GROSSI
Costumes : Alessandro CIAMMARUGHI
Lumières : Toshiyuki KASAHARA
Mimì: Marina COSTA-JACKSON
Rodolfo: Luciano GANCI
Marcello: Massimo CAVALLETTI
Musetta: Hare ITO
Schaunard: Toshiaki KOMADA
Colline: Andrea PELLEGRINI
Benoit: Fumihiko SHIMURA
Alcindoro: Masahiko HARE
Parpignol: Shingo TAKABATAKE
Tokyo Philharmonic Orchestra
New National Theatre Chorus
Setagaya Junior Chorus
Crédit Photo : Rikimaru HOTTA
___________________________________________________________________________________
