Point de Lustige Witwe ou Veuve joyeuse au Sferisterio ce soir, mais La Vedova allegra qui fait son entrée au répertoire du Macerata Opera Festival, en version italienne intégrale, dialogues et parties chantées. La nouvelle production est confiée à Arnaud Bernard qui a l’excellente idée de nous proposer une petite saynète liminaire, soit une procession mortuaire qui entre par l’allée centrale au milieu du public, les pleurs des unes et des autres montant bientôt en un brouhaha qui fait rire l’auditoire.
Certains membres du cortège apostrophent les spectateurs, comme Njegus qui gémit « stava bene fino a ieri » (« il allait bien jusqu’à hier ») pour indiquer le brusque déclin de santé de l’époux d’Hanna Glawari. La veuve, sourire aux lèvres et ombrelle noire qui tourne au-dessus de sa tête, vient s’incliner sur le cercueil de son mari, placé sous un catafalque. Puis, d’un coup sur les premières notes de l’Ouverture, on démonte le catafalque et on retire les tissus noirs des divans, pour passer à la couleur rouge dans des cris d’allégresse.
Passée cette introduction, on conserve un traitement classique de l’opérette de Franz Lehár, dans un espace mixte intérieur – extérieur au premier acte, en présence des canapés, mais aussi de lampadaires 1900. Cette première partie reste tout de même très statique, les protagonistes s’exprimant à l’avant tandis que les choristes vont et viennent invariablement à l’arrière, s’assoient sur les divans lorsqu’ils fatiguent.
Le II touche un peu plus à l’originalité, nous sommes à présent en bord de mer, c’est le blanc qui domine et l’on pratique quelques jeux de plage devant les cabines de toile. Le jeu semble davantage naturel ici, puis on passe au bleu – blanc – rouge au III, avec des ballets en nombre et le French cancan qui remporte un beau succès, sur plusieurs musiques ajoutées d’Offenbach (air du Brésilien dans La vie parisienne, Galop infernal d’Orphée aux Enfers…). Il ne faut pas oublier le court feu d’artifice tiré du haut du mur à la conclusion, formant une copieuse soirée de trois heures et demie, deux entractes compris. Les dialogues sont sonorisés, dans une qualité qui met un petit temps à trouver son bon réglage, après des premières répliques surpuissantes et qui semblent partir dans des directions aléatoires, surprenantes même en fonction des positions des personnages sur scène.
Les typologies vocales sont variées, dans un large spectre qui va de l’acteur au chanteur d’opéra. Voix lyrique, Mihaela Marcu incarne Hanna Glawari, soprano entendue pour notre part ces dernières années en Traviata (Marseille en 2014) et Gilda (Toulon en 2018). Très belle en scène, la chanteuse se montre bien sonore, sauf dans sa partie la plus grave. L’instrument est toutefois accompagné d’un vibrato prononcé, comme au cours de son air de Vilja du II, d’ailleurs en décalage avec la musique sur une phrase complète, chose plutôt étonnante pour cette dernière représentation, en conclusion des quatre de la série.
En Comte Danilo, on pense d’abord à un baryton très aigu en entendant les premières interventions d’Alessandro Scotto di Luzio. Mais le chanteur se déclare en tessiture de ténor, à l’aise évidemment dans la partie haute de la voix, mais confortable aussi dans un médium grave qui projette suffisamment.
Mais la voix la plus belle ce soir est sans doute celle de Valerio Borgioni en Camille de Rossillon, ténor au style particulièrement élégant et à l’aigu facile, aussi bien à pleine puissance qu’en mezza voce. En Valencienne, Cristin Arsenova se montre moins présente vocalement, mais elle cumule des talents de danseuse, en participant au French cancan et faisant la roue plus tard aux saluts. Son mari le baron Mirko Zeta est chanté quant à lui avec solidité par Alberto Petricca, aux côtés de Cristiano Olivieri et Francesco Pittari en Vicomte Cascada et Raoul de Saint-Brioche. Et parmi les autres rôles, c’est le secrétaire d’ambassade Njegus de Marco Simeoli qui nous amuse le plus, certes chanteur-acteur mais doté d’un humour sans lourdeur qui fait mouche à chaque coup.
Le chef Marco Alibrando dirige avec vivacité et attention, dans un son naturel de belle acoustique. Les musiciens de l’Orchestra Filarmonica Marchigiana, qui jouent cette année les trois ouvrages au programme du festival, assurent à nouveau une haute qualité, avec en particulier un superbe premier violon et de belles percussions, y compris le xylophone.
Beau succès au bilan de la part d’un public venu en nombre, pour cette opérette dont le genre, jusqu’à présent, ne faisait pas partie de l’ADN de la manifestation.
Irma FOLETTI
9 août 2025
La Vedova allegra, opérette de Franz Lehár
Macerata, Sferisterio
Direction musicale : Marco Alibrando
Mise en scène : Arnaud Bernard
Décors : Riccardo Massironi
Costumes : Maria Carla Ricotti
Lumières : Fiammetta Baldiserri
Chorégraphie et assistant à la mise en scène : Gianni Santucci
Barone Mirko Zeta : Alberto Petricca
Valencienne : Cristin Arsenova
Conte Danilo Danilowitsch : Alessandro Scotto di Luzio
Hanna Glawari : Mihaela Marcu
Camille de Rossilon : Valerio Borgioni
Visconte Cascada : Cristiano Olivieri
Raoul de Saint-Brioche : Francesco Pittari
Bogdanowitsch : Giacomo Medici
Sylviane : Laura Esposito
Kromow : Stefano Consolini
Olga : Federica Sardella
Pritschitsch : Davide Pelissero
Praskowia : Elena Serra
Njegus : Marco Simeoli
Les grisettes :
Lolo : Camilla Pomilio
Dodo : Giulia Gabrielli
Jou-jou : Silvia Giannetti
Frou-frou : Lucia Spreca
Clo-clo : Sara Bacciocchi
Margot : Roberta Minnucci
FORM-Orchestra Filarmonica Marchigiana
Coro Lirico Marchigiano “Vincenzo Bellini” (chef des choeurs : Christian Starinieri)
___________________________________________________________________________________