On ne le dira jamais assez — et ceux qui se sont assis, un soir, dans le murmure doré du cloître de Cimiez à Nice, vous le confirmeront – combien la musique aime les vieilles pierres. Ce cloître de Cimiez est depuis soixante-dix ans un asile merveilleux pour la grande musique. Les sons y vibrent délicieusement et les silences sont pleins de sens.
C’est dans cet écrin d’arcades et de pierres chaudes que le Philharmonique de Nice a donné son dernier concert de l’été. L’orchestre qui, l’hiver, fait les beaux jours de l’Opéra, devient nomade en été. Il a brillé la semaine dernière au festival de la Roque d’Anthéron, lors de concerts diffusés sur France-Musique.
La semaine précédente, il enchanta le festival d’opéra de Gattières dans les Alpes-Maritimes. On ne peut, d’ailleurs, plus penser ce festival sans cet orchestre – lequel festival est indispensable au paysage de l’art lyrique en France en été.
Ce soir-là, à Cimiez, c’était Marc Coppey qui dirigeait l’orchestre. Dans le Tombeau de Couperin et Ma Mère l’Oye de Ravel, ce chef qui respire et inspire la musique obtint de l’orchestre les couleurs diaphanes, les élans subtils, les emportements délicats, les chatoiements légers, les fines vibrations que réclame l’interprétation des œuvres ravéliennes. Il ravivait ici une nuance, là une transparence, là un rythme égaré. Les musiciens avaient confiance en lui car ils savaient qu’ils étaient dirigés par un vrai grand musicien – l’un de nos prestigieux violoncellistes internationaux.
Deux solistes prirent part à ce concert : la harpiste Marie-Pierre Langlamet, soliste du célèbre Philharmonique de Berlin, et Patrick Messina, soliste du non moins respectable Orchestre National de France. Tous deux jouaient à domicile : ils sont en effet Niçois. Parmi le public les membres de leur famille et leurs amis étaient nombreux. Mais ce n’est pas la considération locale qui fit lever les bravos, c’est leur talent propre. Marie-Pierre Langlamet, harpiste aux doigts virtuoses, à l’esprit élégant, au discours bien pensé, fit danser le Concerto d’Aranjuez sur les cordes argentées de son instrument. Elle est une grande dame de la harpe. Quant à Patrick Messina – un grand monsieur de la clarinette ! – on admira l’autorité, la jubilation rythmique, le caractère de son jeu, dans trois célèbres Préludes de Gershwhin ainsi qu’une pièce klezmer, pleine de nostalgie rieuse, de Bela Kovacs.
Alors oui, la musique, ce soir-là, était comme chez elle entre les vieilles pierres du cloître de Cimiez et dans le cœur ouvert des auditeurs. Elle nous rendit heureux.
André PEYREGNE
3 Août 2025