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Liceu de Barcelone : Concert Strauss Wagner irradié par Asmik Grigorian

Liceu de Barcelone : Concert Strauss Wagner irradié par Asmik Grigorian

mercredi 2 juillet 2025

© A. Bofill / Liceu

Le Grand Théâtre Liceu de Barcelone, après avoir vibré la veille au souffle poignant de Rusalka d’Antonín Dvořák dans la mise en scène onirique de Christof Loy1, accueillait le 2 juillet un concert entièrement consacré à deux des plus hauts sommets du romantisme germanique : Richard Strauss et Richard Wagner. Le programme, ambitieux et structuré autour des Quatre derniers lieder et de la Mort d’Isolde, exigeait une interprète de tout premier plan. Initialement prévue Lise Davidsen (partageant l’affiche avec Matthias Goerne pour la Lamentation du Roi Marke et les Adieux de Wotan) devait renoncer à son engagement eu égard à la naissance de ses jumeaux au mois de juin. Il fallait donc une artiste d’envergure capable d’assumer un tel programme.

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© A. Bofill / Liceu

Première partie Asmik Grigorian : Quatre derniers Lieder et mort d’Isolde

Asmik Grigorian avec un courage rare, a accepté de relever le défi, au lendemain même de sa bouleversante incarnation de Rusalka, rôle qui, on le sait s’avère d’une redoutable exigence tant vocale que psychologique. La soprano lituanienne a littéralement transcendé la soirée recevant du public de longs bravos nourris.

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© A. Bofill / Liceu

Les Quatre derniers Lieder, composés en 1948 par un Strauss au soir de sa vie, sont un adieu au monde d’une paix séraphique. Loin des effets ou des excès de pathos, Asmik Grigorian vêtue de noir y apporte une sobriété bienvenue qui n’exclut pas pour autant une émotion contenue portée par une voix dont on connaît la parfaite limpidité et une déclamation qui sait mettre en valeur le sens de chaque mot appuyée par une diction dont la précision n’est plus à vanter. Maîtrisant les nuances sans jamais forcer aucun registre la cantatrice confirme son statut de diseuse accomplie. Une lumière intérieure et une économie de gestes doublées d’une intériorité bouleversante parent un Beim Schlafengehen d’anthologie avec l’archet admirable du violon solo de l’Orchestre du Liceu.

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© A. Bofill / Liceu

On attendait ensuite la soprano lituanienne dans ce « monument vocal et émotif » que constitue la mort d’Isolde de Richard Wagner. Déjà immergée dans l’extase de l’héroïne dès le début du prélude musical (essuyant une larme furtive) elle apporte, dés les premières notes chantées, une authenticité extrême, un chant de vérité nue, dépourvu de surlignage sentimental, avec des yeux presque clos et un visage comme vidé, déjà parti vers l’ultime sommeil, épuré de tout affect inutile. Sa voix d’une rare intensité expressive (les aigus puissants sont aérés, jamais forcés ni métalliques) domine avec aisance ce sommet dramatique et vocal avec un rendu émotionnellement bouleversant, tout en conservant clarté et beauté du son, et une fascinante présence incarnée qui n’appartient qu’à elle.

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© A. Bofill / Liceu

Deuxième partie Matthias Goerne : Wagner le Roi Marke et Wotan

La réputation de Matthias Goerne s’est particulièrement forgé dans le lied. Pour autant les morceaux de bravoure du Roi Marke dans Tristan et Isolde ou de Wotan dans La Walkyrie exigent d’autres moyens que Le Voyage d’hiver de Schubert. Dans une salle aussi vaste que celle du Liceu et face à un orchestre aussi pléthorique que celui du Symphonique du Grand Théâtre du Liceu l’insuffisance du volume vocal (auquel s’ajoute un timbre opaque) du chanteur se fait cruelle et d’un point de vue interprétatif rien ne touche l’auditeur : ni la blessure douloureuse et les reproches du Roi Marke ni la déchirure paternelle de Wotan dans ses adieux à Brünnhilde car le chanteur ne parvient pas à les traduire trop encombré par ses problèmes vocaux.

 

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© A. Bofill / Liceu

Pareils monologues deviennent ternes car privés d’expressivité et d’émotion dans une voix au timbre blanchi. De surcroît Matthias Goerne peine dans les extrêmes de la tessiture : graves engorgés et aigus pour le moins problématiques eu égard à un soutien qui lui fait défaut auquel se rajoute une interprétation raide parasitée de surcroît par des tics continuels autant que dérangeants le tout s’inscrivant dans l’inexistence surprenante de toute implication dramatique.

Merveilleux orchestre du Liceu de Bacelone

Point fort de cette soirée la prestation d’un orchestre somptueux déjà admirée la veille dans Rusalka alternant puissance et souplesse, poésie et fluidité sous la direction précise et inspirée de son chef titulaire de longue date Josep Pons.

Au final triomphe pour Asmik Grigorian et accueil beaucoup plus réservé pour Matthias Goerne.

Christian Jarniat
2 juillet 2025

1Voir l’article sur Rusalkahttps://resonances-lyriques.org/au-grand-theatre-du-liceu-de-barcelone-la-fascinante-et-bouleversante-rusalka-de-asmik-grigorian/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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