En tournée européenne sur quatre dates, après Evian (La Grange au Lac le 4 juillet) et avant l’Allemagne (Bad Kissingen le 10), puis l’Espagne (Perelada le 12 juillet), Les Arts Florissants font étape au Festival Radio France Occitanie Montpellier. Il Trionfo del Tempo e del Disinganno est à l’affiche, merveilleux oratorio composé par un jeune Haendel de 22 ans et créé à Rome en 1707 sur un livret du cardinal Benedetto Pamphili. Le concert, diffusé en direct sur France Musique (disponible sur internet : https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-concert-du-soir/il-trionfo-del-tempo-e-del-disinganno-de-haendel-a-l-opera-berlioz-4015290 est donné ce soir dans la grande salle du Corum pleine à craquer, avec entracte entre les deux parties de l’ouvrage.
L’oratorio met en scène une allégorie morale où quatre personnages incarnent des concepts abstraits.
Bellezza (Beauté), séduite par les promesses de Piacere (Plaisir), veut vivre dans la jouissance de l’instant. Mais Tempo (Temps) et Disinganno (Désillusion) l’avertissent de l’éphémère nature de la beauté et des plaisirs terrestres. Après une lutte intérieure, Bellezza finit par renoncer au plaisir et se tourne vers des valeurs spirituelles plus durables.
William Christie est aux commandes de sa formation des Arts Florissants et on avoue être d’abord un peu surpris par les petits soupçons d’écarts d’intonation dans l’ouverture orchestrale, certains sons fugaces au premier violon, au hautbois solo, nous chatouillant légèrement les tympans. Les musiciens sont debout, ceux qui le peuvent du moins, à l’exception donc du théorbe, du clavecin, des violoncelles, de la contrebasse. On gagne ensuite en perfection de justesse quand les instrumentistes s’assoient, le chef assurant une direction le plus souvent douce, caressante, mais dessinant aussi certains contrastes bienvenus, en obtenant par exemple un beau mordant des cordes sur plusieurs attaques. La formation redevient alors la Rolls Royce du baroque que l’on connaît, splendide de naturel et d’expressivité.
En Bellezza, Julie Roset nous fait goûter à sa gracieuse pulpe vocale, d’une qualité homogène sur toute la tessiture, en particulier dans un grave bien exprimé. La musicalité est fine et précise et le registre aigu paraît facile, sans aucun effort apparent. L’agilité coule avec fluidité, par exemple dans son air « Un pensiero nemico di pace » aux traits vocalisés rapides et où la chanteuse amène de petites variations dans la reprise. Le volume n’est pas surpuissant, mais passe sans problème quand, pour la plupart de ses airs, l’orchestre émet un discret fond musical. Ceci est particulièrement vrai pour son air conclusif « Tu del Ciel ministro eletto », un moment de grâce absolue qui plane à très haute altitude.
La mezzo Rebecca Leggett se montre plus sonore en Piacere, et vit son personnage allégorique avec des sentiments qui s’expriment sur son visage. Passage le plus connu de l’ouvrage (et ré-utilisé plus tard par le compositeur en « Lascia ch’io pianga » dans son Rinaldo), l’air « Lascia la spina » est conduit avec émotion sur le souffle.
Pour chanter Disinganno, Jasmin White possède un vrai timbre profond d’alto, avec parfois de petits accents masculins dans ses notes les plus graves. On peut citer son air « Crede l’uom ch’egli riposi » particulièrement élégiaque dans ses deux parties lentes, accompagnées par deux flûtes enchanteresses, tandis que la partie centrale agitée est également bien rendue.
Le ténor James Way convainc moins dans Tempo, son timbre ne parvenant pas pleinement à séduire. Il assure toutefois sa partie avec technique, mais les aigus ne sonnent pas spécialement cristallins, ni le grave avec opulence.
L’ouvrage fait très majoritairement se succéder les quatre solistes, avec peu d’ensembles. On en apprécie d’autant plus les rares numéros à plusieurs, par exemple un duo entre soprano et mezzo fort bien équilibré vocalement, ou encore l’unique quatuor, où les solistes interviennent cependant tour à tour.
Il faut mentionner aussi les séquences où William Christie dirige avec une grande économie de gestes, restant d’ailleurs immobile ou quasiment par moments, par exemple pendant l’air de Bellezza « Io sperai trovar nel vero » en seconde partie où le chef écoute, comme religieusement, le chant de Julie Roset.
Irma FOLETTI
Il Trionfo del Tempo e del Disinganno, oratorio de Georg Friedrich Haendel
Montpellier, Salle du Corum / Opéra Berlioz, le 8 juillet 2025
Direction musicale : William Christie
Bellezza (La Beauté), Soprano : Julie Roset
Piacere (Le Plaisir), Mezzo-soprano : Rebecca Leggett
Disinganno (La Désillusion), Contralto : Jasmin White
Tempo (Le Temps), Ténor : James Way :
Les Arts Florissants