Initialement, le Festspielhaus Baden-Baden avait programmé Diana Damrau et Jonas Kaufmann pour ce récital entièrement dédié au Lied de Gustav Mahler et Richard Strauss, mais une infection estivale a frappé Diana Damrau et Jonas Kaufmann a donc dû interpréter en solo, le programme commun, accompagné par l’incomparable et magnifique Helmut Deutsch.
Ce récital « mémorable » s’est ouvert sur neuf mises en musique par Richard Strauss de poèmes d’Hermann von Gilm, ainsi que quatre lieder de divers poètes. Comme souvent, Jonas Kaufmann se révéla un excellent interprète de ces merveilles. L’individualité du jeu de cet interprète exceptionnel et sa grande musicalité ont projeté un éclairage tout nouveau sur« Zueignung, Nichts, Gepatid, Allerseelen »… tant la diversification de son interprétation vocale ne cesse d’étonner.
La voix de ténor de Jonas Kaufmann possède des graves somptueux, une palette de couleurs chaudes, très différentes dans toutes les écritures : la vie, les émotions, le drame et l’intonation paraissant toujours bien équilibrés, que ce soit dans la douceur ou au contraire dans l’ardeur. De plus, grâce à l’excellente diction de Kaufmann, on comprenait chaque mot chanté. Ce soir Jonas Kaufmann a exploré une veine romantique, dans les lied suivants : « Traum durch die Dämmerung ist ein Gedicht – Nacht Gang et Je vous aime ». Son interprétation sonnait gracieusement, à la fois sensuelle, mélodique et avec une touche de mélancolie. Il chante comme il respire et tout était simplement somptueux.
Il convient également de souligner les qualités exceptionnelles de Helmut Deutsch, ce grand maître de l’accompagnement au piano. Il est non seulement un partenaire agréable, mais aussi un pianiste au toucher délicat et expressif, qui semblait respirer avec le chanteur, lui procurant une culture pianistique intense.
Après l’entracte, Jonas Kaufmann a interprété les cinq Rückert Lieder de Gustav Mahler, qui conviennent surtout aux voix sombres, mais qui se sont révélés ce soir, parfaitement adaptés au timbre parfois barytonnant, grave et sombre de Kaufmann. C’était tout simplement fascinant d’apprécier la merveilleuse interprétation de grand artiste. « Ich atmet’ einen linden Duft », « Liebst du um Schönheit » et « Ich bin der Welt abhanden gekommen » . «Blicke mir nicht in die Lieder » a suivi avec audace et émotion, tout comme « Um Mitternacht »qui était empreint d’une grande force.
Dans les derniers lieder de Strauss, Jonas Kaufmann a alterné la vaillance, la délicatesse, l’éclat et la sensibilité surtout dans « Wozu noch, Mädchen », « Breit über mein Haupt » ,« Ruhe, meine Seele ». Il a donné une grande implication émotionnelle dans « Morgen ». Le point culminant était sa vision somptueuse de « Cäcilie » , servie par Helmut Deutsch, qui a su faire chanter son piano d’un son chaud, brillant où la poésie est autant présente dans les mots que dans les sons.
Le public a remercié les deux artistes avec un enthousiasme euphorique et une standing ovation. Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch ont récompensé les auditeurs avec trois rappels merveilleusement interprétés de « Wie sollten wir geheim sie halten » « Freundliche Visionen » et » Ach wie mir » de Richard de Strauss.
On peut dire que cette soirée nos a mis du baume au cœur !!!!
Un immense merci aux deux artistes, tellement complices, Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch.
Marie-Thérèse Werling
20 juin 2025