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THEÂTRE BALE : « Le Crépuscule des dieux » et « de la mise en scène »

THEÂTRE BALE : « Le Crépuscule des dieux » et « de la mise en scène »

dimanche 8 juin 2025

©INGO HOEHN

Avec son idée fixe, son décor unique, sa direction d’acteurs au cordeau, le Ring de Benedikt von Peter laisse le spectateur sur sa faim, surtout la dernière journée Götterdämmerung.

Le livret du Crépuscule des Dieux fut écrit en premier, raison pour laquelle, au contraire des trois opéras précédents, il marque encore son allégeance aux fondamentaux (aria, duo, trio, chœur) du grand opéra, raison pour laquelle ce soir, Benedikt von Peter s’autorise enfin à retoucher le décor unique avec lequel il ambitionnait de faire des quatre opéras de L’Anneau du Nibelung un seul spectacle.

La quatrième partie du Ring à Bâle commence comme les trois précédentes : avec la voix de Brünnhilde, en coulisses, racontant l’histoire familiale à travers des flashbacks lamentables. Une fois de plus, les petites marionnettes, les figurines d’enfants et des créatures plus grandes que nature (crapaud, dragon et loups) gambadent sur scène, rappelant sans cesse le passé. Seules les marionnettes (poupées gonflables) des Filles du Rhin sont à nouveau sur le devant de la scène, lorsqu’elles demandent l’anneau à Siegfried. Quant au pauvre Nathan Berg, dans le rôle de Wotan, il doit constamment entrer en silence sur le plateau, telle l’ombre de lui-même. La maison, style « loft » des parties précédentes doit servir de décor pour ce dernier opéra, mais on commence à s’en lasser sérieusement, même s’il est transformé (avec humour certes) en salle des Gibichungs par une entreprise de déménagement. La conception des lumières de Roland Edrich est toujours aussi fade, ce qui est lassant après 16h de spectacle.

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©INGO HOEHN

Dans sa mise en scène, Benedikt von Peter fait du Voyage de Siegfried sur le Rhin celui d’un camion de déménagement, malicieusement baptisé Rheinfahrt Umzüge, duquel une équipe de déménageurs en combinaison blanche sorte le mobilier, blanc également. Dans une vitrine, éblouissante, est exposée la lance brisée de Wotan. Côté dress-code, le blanc est de rigueur également pour les invités aux mariages. Tout est ripoliné !!!!, même Hagen, seul à dissimuler son maillot noir sous une veste immaculée, en guise de blanchiment d’un monde condamné que le metteur en scène Benedikt von Peter se permettra de souiller plus tard du sang du sanglier offert en plat principal. Pendant un curieux premier entracte situé après la première scène de l’Acte II, il fera également tronçonner les arbres qui s’étaient démultipliés dans Siegfried.

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©INGO HOEHN

Confiés à deux interprètes débutants, Gunther Papendell et Heather Engebretson sont très habités et convaincants dans les rôles de Gunther et Gudrune, les nouveaux habitants de ce nouveau lieu. Andrew Murphy offre sa qualité habituelle dans le rôle d’Alberich tandis que Patrick Zielke dans le rôle de Hagen, apporte une interprétation sombre, maléfique et vocalement séduisante. Les trois Nornes (Marta Herman, Jasmin Etezadzadeh, et Sarah Marie Kramer) font un excellent travail. Jasmin Etezadzadeh brille également dans le rôle de Waltraute.

Siegfried est à nouveau interprété ce soir par Rolf Romei, qui après son programme colossal de la 3e soirée, encaisse courageusement la quatrième soirée avec un chant très nuancé, un verbe clair, une émission gracieuse presque lyrique. Il affiche une santé éclatante. Moment très émouvant lors de la Marche funèbre où, en expirant, Siegfried semble parvenir à faire le point sur ce qu’aura été sa pitoyable existence d’enfant manipulé par son grand-père. Alors qu’on le croit mort, il s’empare d’une flèche, menace Wotan, puis la tourne contre lui et meurt. Auparavant, on l’aura vu, agonisant, s’agripper au manteau de fourrure de son grand-père. On aura aussi vu le petit Siegfried s’adonner un dernier jeu de rôles : retourner contre lui-même son épée de bois.

Omniprésente en scène en tant que narratrice de ce Ring, poussée par les Filles du Rhin à réagir enfin, Trine Møller parvient enfin à développer son potentiel et achève en beauté le grand chelem des trois Brünnhilde.

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©INGO HOEHN

On reste cependant sur sa faim, dans la mise de scène de Benedikt von Peter, car au lieu de mettre le feu au château des Dieux, Brünnhilde et Wotan ont mis le feu à une maison de poupées du Walhalla. Le fait qu’Alberich et Wotan se disputent l’anneau, que Wotan remporte, n’a rien d’amusant : Erda l’aurait laissé aux filles du Rhin, la malédiction aurait été brisée et la paix serait revenue. Que le patriarche Wotan, avide de pouvoir, le tienne entre ses mains à la fin, peut être une explication à l’état de désolation du monde dans lequel nous vivons ??? Ceci est la question…..

A la fin, en compagnie non seulement d’Erda, mais de tous les acteurs de cette tétralogie, voici qu’une interminable procession de victimes au regard tourné vers l’horizon lointain, s’est mis à gravir avec une lenteur calculée les marches du parterre, au plus près du public. Le plateau vidé ne montre plus, aux extrémités de la table des festivités, qu’un pauvre type, anneau au doigt, abandonné par ses victimes, et qui ne ricane plus, Wotan, face à son pire cauchemar, Alberich

Le spectateur était fasciné par la conception de la fosse d’orchestre recouverte dans le style de BAYREUTH, mais toujours de haute volée. Sous l’excellente direction de  Jonathan Nott, le Sinfonieorchester Basel était l’allié indispensable de cette production dont les derniers instants visuels sont à la hauteur du génie musical qui les illustre.

Ce Crépuscule des dieux dans la mise en scène de Benedikt von Peter, laisse voir l’envoûtement exercé par la musique géniale et l’imaginaire tortueux de Richard Wagner. C’était tout simplement le crépuscule du patriarcat.

Marie-Thérèse Werling
8 juin 2025

Direction : Jonathan Nott
Mise en scène : Benedikt von Peter
Décor : Natascha von Steiger
Costumes : Katrin Lea Tag
Lumières : Roland Edrich

Siegfried : Rolf Romei
Brünnhilde : Trine Møller
Gunther : Gunther Papendell
Alberich : Andrew Murphy
Hagen : Patrick Zielke
Gutrune : Heater Engebretson
Waltraute/Deuxième Norne : Jasmin Eteradzadeh
Première Norne : Marta Herman
Troisième Norne : Sarah Marie Kramer
Woglinde : Harpa Ósk Björnsdóttir
Wellgunde : Valentina Stadler
Floßhilde : Sophie Kidwell

Chœur du Theater Basel (Chef de chœur : Michael Clark)
Sinfonieorchester Basel

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