Les artistes nous font rêver et nous émeuvent, mis en lumière et en beauté dans des décors et costumes épurés ou élaborés. Mais qui sont les invisibles non moins passionnés et talentueux qui les entourent et subliment leur art ? Plein feux sur les métiers de l’ombre.
Jacques Ayrault fait une entrée singulière dans l’univers artistique. Il vient au monde à l’Opéra d’Angers, littéralement, né sous le signe des arts. Sa mère est responsable de l’accueil du théâtre et son père est chef électricien. Tout naturellement, l’Opéra est pour le jeune garçon son terrain de jeux, de curiosités et de découvertes artistiques. Les spectacles émerveillent ses yeux d’enfant et très vite, il fait ses premiers pas sur scène lors de figurations, petits rôles, et participe au chœur de l’Opéra. Mais son sens de l’observation et son intérêt pour tout ce qui contribue à la réalisation d’un spectacle guide sa voie, dans l’envers du décor. Il devient ainsi électricien, machiniste et éclairagiste. Toutes les fonctions autour de la scène l’intéressent et ses expériences polyvalentes le mènent à la fonction de Directeur Technique de l’Opéra de Nancy, à seulement vingt trois ans. Les responsabilités sont nombreuses car un directeur technique est un véritable chef d’orchestre. Il doit organiser la conception des décors et accessoires, leur installation et leur sécurité, superviser les éclairages et les effets, contrôler le son, mais aussi guider la création des costumes, perruques et maquillages parfois spécifiques. Le la est donné, et chaque équipe concentre son professionnalisme sur une finalité commune, la réussite d’un spectacle. Mais la création n’est jamais un long fleuve tranquille. De fausses notes peuvent se glisser telles qu’un contretemps, la recherche d’une pièce rare, les desiderata insolites d’un metteur en scène ou d’un artiste. Il faut alors être réactif, optimiste et diplomate, c’est la première approche.
Ces compétences et qualités requises sont importantes pour son jeune âge, mais Jacques Ayrault consacre toute son énergie à ses responsabilités, avec conscience et plaisir. Pendant quatre ans, il approfondit ses connaissances et apprend les finesses de plusieurs métiers. Le jeune directeur est passionné, et honore parfaitement ses fonctions.
L’Opéra de Nancy est pour Jacques Ayrault sa deuxième maison, celle de son éveil artistique, le berceau de ses rêves et de sa carrière. Mais le temps est venu de s’envoler vers d’autres aventures professionnelles. Son titre de directeur technique le conduit à l’Opéra de Lille puis à l’Opéra de Montpellier et il dirige le Festival « Offenbach » de Carpentras. A l’Opéra de Lausanne il forme les équipes, et ensuite pendant douze ans, assure la direction technique du Grand Théâtre de Genève. La notoriété de Jacques Ayrault traverse les frontières et en 2007, Paris lui sourit et il prend ses fonctions au Théâtre du Châtelet jusqu’en 2020. La célèbre salle présente des opéras, opérettes et ballets, mais aussi des spectacles musicaux divers et des comédies musicales, autant de disciplines différentes dont les techniques enrichissent son expérience. 2020 débute, et la période covidienne ralentit le monde. Comme nombreux autres secteurs, le milieu du spectacle est fortement impacté. Cette parenthèse désenchantée et propice à la réflexion incite Jacques Ayrault à s’éloigner de l’agitation parisienne, et il s’installe sur la Côte d’Azur. Le directeur aurait pu savourer la dolce vita méditerranéenne, mais elle sera remise à plus tard !
Bertrand Rossi, Directeur de l’Opéra de Nice, fait appel au professionnalisme de Jacques Ayrault qui apprécie la vision audacieuse et novatrice des dernières saisons présentées. Depuis sa nomination en 2019, Bertrand Rossi bouscule les codes, se plaît à étonner, surprendre, et apporte un souffle nouveau à L’Opéra. A son initiative, le théâtre devient le temps d’un soir un dancefloor unique où le Bal Veglione fête le Carnaval, et lors des Dîners sur Scène, l’Opéra offre aux convives un moment féerique exceptionnel. Les projets sont exaltants et Jacques Ayrault prend ses nouvelles fonctions au sein du théâtre.
Depuis un an, Jacques Ayrault dirige les équipes techniques de l’Opéra de Nice. Près de cent personnes œuvrent selon ses directives. A la Diacosmie, les menuisiers et sculpteurs créent les structures des décors, pour certains impressionnants, qui sont ensuite confiés au talent des peintres et tapissiers. Les électriciens, serruriers et métalliers apportent leur expertise et relèvent parfois de véritables défis. Dans l’atelier costumes, les créations et essayages se succèdent, à la recherche du modèle exact, de l’étoffe adéquate et dans le souci du confort des artistes. Entre coupes et brushings, les perruquiers réalisent et retouchent les coiffures, conformes aux styles et époques concernés. A l’Opéra, les décors réceptionnés sont installés par les machinistes et accessoiristes, et dans certaines situations, âmes sensibles au vertige s’abstenir ! Pendant ce temps, les éclairagistes font leurs essais. En un clic, ces créateurs d’ambiance plongent la scène dans une atmosphère douce, festive ou mystique, préparent les effets, les surprises, et élargissent leurs compétences à l’utilisation du numérique et des projections vidéos.
Lors des premières répétitions sur scène, le directeur technique coordonne les différentes équipes qui s’harmonisent au déroulement de la mise en scène ou de la chorégraphie. Les soirs de représentations, chaque technicien a son rôle et doit rester vigilant, réactif, savoir parer à un imprévu, car avec Jacques Ayrault, le diable ne joue pas à cache-cache. Aucun détail ne lui échappe, d’une imprécision de quelques secondes au faux pli d’une robe.
S’il est perfectionniste et intransigeant, le directeur sait aussi faire preuve d’empathie et de bienveillance. Avec passion, il lui tient à cœur de transmettre son savoir, et son ouverture d’esprit sur l’actualité artistique et les nouvelles technologies insuffle à ses équipes une motivation commune. Lorsque les applaudissements crépitent dans la salle, la reconnaissance du travail accompli parvient aux coulisses et Jacques Ayrault ne manque pas de témoigner à chacun la valeur de sa contribution au succès.
Les responsabilités d’un directeur technique sont considérables et les temps de repos nécessaires. Mais pour Jacques Ayrault, les jours de congés n’existent pas. Sans contrainte, par investissement personnel, il n’hésite pas à programmer un rendez-vous, s’assurer d’ une vérification à l’Opéra ou dans les ateliers. Reste-t-il alors un temps pour quelque loisir ? La réponse est spontanée, son loisir est son métier, si belle définition d’une passion inaltérée. Ainsi, en simple spectateur, il assiste à d’autres spectacles, expositions diverses, ou s’évade au cinéma. Ouvert à toute créativité artistique, il prolonge son plaisir d’autres découvertes et porte son attention sur les dernières innovations.
Quel que soit le spectacle, il est pour le spectateur une entrée dans un monde magique. Et comme pour tout tour de magie, de nombreux talents œuvrent dans l’ombre. Depuis plus de quarante ans, Jacques Ayrault dirige avec brio les experts invisibles et à l’Opéra de Nice, la magie opère, pour le bonheur des artistes et le ravissement du public. En un mot, Bravissimo Mesdames et Messieurs !
SATINE.
24 Février 2025
En coulisses avec Satine :
Veronica Colombo : https://resonances-lyriques.org/en-coulisses-avec-satine-veronica-colombo-soliste-du-ballet-nice-mediterranee/
Luis Valle :https://resonances-lyriques.org/en-coulisses-avec-satine-luis-valle-soliste-du-ballet-nice-mediterranee/
