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Opéra de Monte-Carlo à l’Auditorium Rainier III : un acte II de Tristan et Isolde magistral de puissance et d’émotion.

Opéra de Monte-Carlo à l’Auditorium Rainier III : un acte II de Tristan et Isolde magistral de puissance et d’émotion.

dimanche 2 mars 2025

©OMC – Marco Borrelli

Fin d’après midi de « grand gala » en ce dimanche 2 mars : l’Opéra de Monte-Carlo poursuivait son « Cycle Wagner » cette fois-ci en collaboration avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et en prélude au Printemps des Arts de Monte-Carlo dans la salle Yakov Kreizberg de l’Auditorium Rainier III.

Au programme l’acte 2 de Tristan et Isolde avec, au préalable, l’Adagio de la Symphonie n°10 en fa dièse majeur (composée en 1910 et inachevée) de Gustav Mahler.

Cet adagio considéré comme l’un des mouvements les plus aboutis de Mahler, eu égard à sa complexité harmonique, met en valeur toutes les qualités expressives comme la maîtrise technique de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, entre autres : l’excellence des bois et des cuivres, le raffinement des violons, la chaleur des altos sous la direction experte et inspirée de Philippe Jordan.

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©OMC – Marco Borrelli

Dans une lettre à Franz Liszt (16 décembre 1854) Richard Wagner écrit : « Comme je n’ai jamais goûté dans ma vie au véritable bonheur de l’amour, je veux ériger à ce rêve, le plus beau entre tous, un monument où, du début à la fin, cet amour sera rassasié une fois pour toutes : j’ai ébauché mentalement un Tristan et Isolde, le projet musical le plus simple, mais le plus de chair et de sang qui soit ; de la « voile noire » qui flotte à la fin, je veux ensuite m’envelopper pour mourir.». L’œuvre sera créée à Munich au Théâtre Royal de la Cour de Bavière le 10 juin 1865.

Assister à Tristan et Isolde en version concert nous fait vivre une expérience singulière, qui met à nu l’essence même de l’œuvre de Wagner. Privé de mise en scène, de décors et de costumes, on oublie alors l’impact visuel pour s’immerger dans un poème sonore enivrant où chaque accord suspendu, chaque dissonance, chaque élévation harmonique nous rapproche du « climax » musical wagnérien. Le drame se concentre entièrement sur la musique et l’interprétation vocale. L’absence d’éléments scéniques met naturellement en avant l’orchestre, qui, chez Wagner, on le sait, joue un rôle aussi fondamental que les voix.

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©OMC – Marco Borrelli

Si la direction musicale s’avère à la hauteur, elle fait émerger la profondeur inouïe du langage harmonique du compositeur. Le prélude du deuxième acte, véritable condensé du drame à venir, prend ici une dimension presque hypnotique, plongeant immédiatement l’auditoire dans l’intensité passionnelle du récit.

Philippe Jordan : un chef d’orchestre au sommet de son art

L’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo offre en la circonstance une interprétation magistrale de l’œuvre de Wagner restituant avec finesse toutes les nuances de la partition du Maître de Bayreuth. Et quel bonheur de retrouver à la baguette l’un des chefs les plus réputés sur le plan international : Philippe Jordan ! On rappellera qu’il fut successivement Directeur musical de l’Opéra de Paris (2009) et à partir de la saison 2014/2015 de l’Orchestre Symphonique de Vienne et ensuite de l’Opéra d’État de Vienne (Wiener Staatsoper), fonction qu’il occupe depuis. Son activité se concentrant principalement sur le répertoire lyrique, il a souvent été invité par d’importants théâtres et festivals comme Glyndebourne, Londres, Vienne, Milan, Salzbourg, Munich, Baden-Baden, New-York, Bayreuth (Parsifal). Lors de la saison 2018-2109, il a dirigé Der Ring des Nibelungen à l’Opéra de Paris et au  Metropolitan Opera de New York.

Dans cette version concertante, le chef d’orchestre a réussi à maintenir une tension exceptionnelle pendant toute la durée de l’œuvre : un défi redoutable eu égard à l’extrême densité de la partition. Il a su en outre insuffler et faire traduire par la phalange monégasque non seulement la luxuriance orchestrale du prélude mais encore ce capiteux hymne au désir qui trouve son accomplissement dans l’immense duo occupant la quasi-totalité de l’acte II assorti d’une palette infinie de couleurs, de nuances, de contrastes. Une direction musicale à ce point investie, fait émerger la profondeur inouïe du langage harmonique du compositeur.

Des étoiles du chant de première grandeur

La soprano allemande Anja Kampe, l’une des chanteuses les plus éminentes de notre époque, occupe une place prépondérante dans l’univers wagnérien. Son large répertoire comporte bien évidemment les héroïnes emblématiques comme Senta, Brünnhilde, Kundry, Sieglinde, Ortrud, et bien évidemment Isolde, mais elle s’illustre en outre dans des rôles tels que Tosca, Jenufa, Ariane à Naxos, Minnie de La Fanciulla del West, Léonore de Fidelio, Lisa de La Dame de Pique… Anja Kampe, soprano dramatique d’exception, parvient en Isolde à faire alterner, avec une science consommée, ampleur des aigus et ductilité du phrasé sans rien perdre en souplesse de son instrument tout en transcendant la musique pour incarner l’extase.

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©OMC – Marco Borrelli

Anja Kampe trouve en Andreas Schager le partenaire idéal pour le rôle de Tristan. Celui-ci s’est forgé une spécialité des ouvrages de Wagner et Richard Strauss. Dans le répertoire wagnérien, il a notamment abordé les rôles de Rienzi, de Lohengrin, (le plus lyrique des héros de Wagner, pour lequel il a fait sa prise de rôle en 2018 au Staatsoper de Vienne ) de Tannhäuser, d’Erik (Der Fliegende Holländer), de Siegmund (La Walkyrie), et des deux Siegfried (Siegfried et Crépuscule des dieux) ainsi que Parsifal.

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Tristan constitue indéniablement son emploi favori qu’il a interprété sur nombre de scènes internationales et qu’on peut retrouver notamment en vidéo à Berlin dans la production de Dmitri Tcherniakov avec la Staatskapelle de Berlin, dirigée par Daniel Barenboim avec Anja Kampe et Ekaterina Gubanova, ses partenaires à Monte-Carlo.

Andreas Schager qui n’a que peu de concurrence dans son statut indiscuté d’« heldentenor » a, pour la circonstance, incarné à nouveau Tristan faisant fi d’une tessiture exigeante, qui sollicite autant la puissance que la fragilité, pour traduire la passion dévorante et les élans de ce héros fiévreux et passionné. Sa prestation, sommet d’intelligence et d’introspection musicale, fait preuve à la fois d’un engagement et d’une force sans faille ainsi que d’une sensibilité extrême. Comment ne pas noter, au surplus, l’articulation exemplaire, la clarté de l’émission et du timbre (qui nous changent de tant de voix engorgées dans pareil répertoire ! ) et de surcroît la subtilité de certaines mezza voce particulièrement bienvenues pour la caractérisation émotionnelle de cet amant tourmenté…

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©OMC – Marco Borrelli

La mezzo soprano Ekaterina Gubanova qui, elle aussi, se produit, régulièrement sur les plus grandes scènes d’opéra du monde (entre autres sa Kundry de Parsifal particulièrement remarquée à l’Opéra de Vienne) – à l’instar de ses collègues réunis sur ce plateau – a offert une Brangäne de grande classe vocalement chaleureuse, soucieuse des nuances et d’une parfaite musicalité.

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©OMC – Marco Borrelli

« Grandiose !…» Quel terme mieux approprié pourrait qualifier la prestation de la basse Georg Zeppenfeld. Lui aussi parcourt l’Europe et les États-Unis pour servir avec brio le répertoire allemand, italien, russe et français. Parfait musicien (contrebassiste renommé de formation) il a su par la beauté d’un timbre rare doté de notes graves d’une particulière richesse, la noblesse d’une ligne de chant ô combien châtiée, l’intensité de l’émotion interprétative, dresser un fascinant portrait de l’homme en proie à la cruelle désillusion de la trahison lors de sa longue et poignante déploration à la fin de l’acte 2.

Pour corroborer le niveau très élevé de ce concert lyrique il suffira de souligner que le ténor britannique Neal Cooper – ici un Melot de luxe – interprète par ailleurs des emplois principaux dans des théâtres de renom. Citons encore Przemyslaw Baranek, habitué de l’Opéra de Monte-Carlo en Kurwenal.

Triomphe comme il fallait s’y attendre, après l’accord final, ponctué de longues et vibrantes acclamations d’un public évidemment subjugué !

Christian Jarniat
2 mars 2025

Direction musicale : Philippe Jordan

Distribution :

Tristan : Andreas Schager
Isolde : Anja Kampe
Le Roi Marke : Georg Zeppenfeld
Brangäne : Ekaterina Gubanova
Kurwenal :Przemyslaw Baranek

Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

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