Pour son concert d’ouverture de la nouvelle saison 2025, le Festspielhaus Baden-Baden, a invité deux grandes stars de l’opéra la soprano finlandaise Camilla Nylund et le ténor autrichien Andreas Schager, qui ont triomphé en 2024 au Festival de Bayreuth dans Tristan et Isolde. Une salle comble, silencieuse après la recommandation d’éteindre les téléphones portables… malgré une sonnerie soudaine, après le premier air des Maîtres Chanteurs de Nuremberg.
Le Directeur Général Benedikt Stampa a présenté ses vœux, suivi d’un bref discours où il a confirmé avec tant de justesse l’adage « Écouter de la musique est la plus belle chose au monde ». Cette pensée est restée toute la soirée le fil conducteur de la soirée, avec un programme certes plein de contrastes : Richard Wagner, Antonín Dvořák, Josef et Johann Strauß, Franz Lehár et Emmerich Kálmán, interprété par la Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern sous la direction de Pietari Inkinen.
Étrange, Insolite ?? Pourtant, tout s’inscrivait dans une dramaturgie sophistiquée qui commençait dans une atmosphère un peu décalée avec le Prélude des Maîtres chanteurs de Nuremberg de Wagner désynchronisé et trop sobre, comme si l’Orchestre et son chef cherchaient à entrer dans l’ambiance émotionnelle de la soirée.
Mais dès que le ténor Andreas Schager est entré sur scène et a chanté le fameux air de Walther des Maîtres Chanteurs « Morgenlicht leutchtend in rosigem Schein » les inquiétudes quant à l’Orchestre ont totalement disparu. Andreas Schager a pleinement utilisé sa puissance vocale, avec un timbre riche en nuances, renforcé par une grande maîtrise entre l’ardeur mélodieuse du Bel Canto et la texture caractéristique du « Helden Tenor » si cher à Wagner. On s’est senti immédiatement transporté dans le monde sonore de Richard Wagner… Son Schmiedelied de Siegfried « Hoho ! hoho ! hahe » a également démontré sa polyvalence en matière de chant et d’acteur, puisqu’il s’est lui-même accompagné en frappant avec un marteau (petit certes !) sur une enclume, en guise d’accessoire de scène.
La soprano finlandaise Camilla Nylund n’était pas moins impressionnante. Sa voix, claire comme une source, mais puissante comme l’océan, a développé dans tous les registres une intensité rayonnante qui fascine à chaque note. Sa façon de projeter le son avant de relâcher le vibrato évoque celle de la jeune Gwyneth Jones. Son interprétation d’Elisabeth dans Tannhäuser « Dich teure Halle » est fort touchante et portée par une belle maîtrise du souffle. Mais son expression dramatique et artistique s’est totalement révélée dans Rusalka, opéra de Dvorak « le Chant à la lune ». Avec une ligne une ligne délicate, presque fragile, Camilla Nylund ne nous a d’abord donné qu’un soupçon de l’éclat sublime de sa voix de cristal. Le son est d’une pureté presque surnaturelle, de sorte qu’à certains moments, on avait l’impression que le chant venait d’un monde irréel. A la fin de l’air, cette retenue a éclaté en véritable explosion sonore et bouleversante. Un moment de rêve et de bonheur total.
La première partie de ce concert exceptionnel s’est achevé avec une polka Die Soubrette de Josef Strauss, bien emportée.
Après la pause, place à l’opérette avec bien sûr l’Ouverture de la Chauve-Souris de Johann Strauss, 200e anniversaire de sa naissance oblige. Après cette ouverture tonitruante, les musiciens de la Deutsche Radio Philharmonie Saarbruecken Kaiserslautern, entraînés par leur chef Pietari Inkinen ont transporté le public dans un monde de joie de vivre pétillante avec les polkas et la belle Kaiser Walzer de Johann Strauss. On a constaté qu’au fur et à mesure de la soirée, l’orchestre a bien maîtrisé la profondeur de la musique de Richard Wagner, ainsi que l’éclat festif et entraînant de la musique viennoise de Johann Strauss, Franz Lehàr et Emmerich Kàlman.
Camilla Nylund et Andreas Schager ont également triomphé dans de ravissants et enchanteurs extraits d’opérettes. Camilla Nylund a prouvé de manière très convaincante que la musique plus légère lui convenait également. Son interprétation de la « Chanson de Vilja » de la Veuve Joyeuse de Franz Lehàr était d’une élégance douce, délicate sans jamais perdre son caractère langoureux et romantique. Ses airs « Klänge der Heimat » de la Chauve-Souris de Johann Strauss et celui de Heia, Heia, In den Bergen de la Princesse Csardas d’Emmerich Kàlman sont chantés avec une voix plus charnue et puissante, prouvant qu’elle excelle aussi à chanter la magie de la tradition autrichienne. Dans tous ces airs, elle offre sa voix mordorée et chaude, avec des aigus aussi assurés que puissants, avec ce petit « truc en plus » dont ce répertoire ne saurait faire l’économie.
En guise de bis, nos deux stars ont chanté « Lippen schweigen » de la Veuve Joyeuse de Franz Léhàr, en esquissant quelques pas de valse langoureux.
Bien entendu, « concert de nouvel an oblige », la soirée se termine avec la célébrissime Marche de Radetzky de Johann Strauss père, dans une ambiance festive et joyeuse permettant au public de frapper dans ses mains simultanément aux reprises de l’orchestre.
Le bonheur d’écouter de la Musique ensemble, quelles que soient nos origines, nos pensées, nos états d’âme qui nous tourmentent ou la joie qui nous inspire.
Ce soir, nous avons quitté la salle du Festspielhaus avec un bonheur tranquille, laissant de côté toute explication rationnelle mais avec le cœur rempli de joie et de bonheur. Oui, comme l’a souligné Benedikt Stampa, écouter de la musique est la plus chose au monde, car elle nous transporte à la source de nos sentiments. « La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée », selon la citation de Platon.
Marie-Thérèse Werling
12 janvier 2025