Comment peut-on remplir un opéra ? En montant des ouvrages sophistiqués avec des distributions prestigieuses et des metteurs en scène de gala ? Non : en proposant simplement un florilège d’airs d’opérettes et de chansons des années folles.
C’est ce que vient de faire l’Opéra de Nice dans le cadre du Festival d’opérette dirigé, au niveau artistique, par Melcha Coder.
Les Années folles ont attiré un monde fou.
Ces Années folles sont de grande tradition à Nice. Après la Seconde Guerre mondiale, la Côte d’Azur fut, avec Paris, la région de France qui connut la plus grande explosion musicale. Tandis que le jazz débarquait à Juan-les-Pins autour de Scott Fitzgerald, le célèbre Casino de la Jetée- Promenade à Nice, dont toutes les gravures de l’époque gardent le souvenir de la silhouette mauresque, accueillait les opérettes de Maurice Yvain truffées de bons mots (plutôt misogynes) d’Albert Willemetz : « Un gentleman est un monsieur qui ne bat jamais sa femme sans ôter son chapeau » ou « Les femmes, il est impossible de savoir ce qu’elles pensent ni de prévoir ce qu’elles dépensent » !
C’est cette ambiance-là qu’on a retrouvée, l’espace d’un soir, sur la scène de l’Opéra de Nice dans un spectacle ficelé de main de maître par Serge Manguette. Cet homme au talent rare peut vous monter en un tournemain une soirée d’opérette ou de comédie musicale. Participant lui-même au spectacle, il se déplace sur scène avec une souplesse swingante, au milieu des paillettes, des strass et des rythmes jazzy. La philosophie de la soirée était simple : « Dans la vie faut pas s’en faire ! … » Cette chanson de Maurice Chevalier nous fut chantée et « jouée » par le très bon Thomas Morris. A ses côtés, Laeticia Goepfert et Rémy Mathieu tenaient avec brio le devant de la scène.
Le désopilante antiboise Priscilla Beyrand, sorte de réincarnation d’Annie Cordy, déploya tant d’énergie qu’on la verrait bien dans une pub pour piles électriques. Quant au ballet Alzetta, enflammé par les rythmes de charleston, il étincela dans un festival de gambettes façon Mistinguett.
Ce soir-là – oh, luxe ! – on eut droit au Philharmonique de Nice, efficacement dirigé par Sébastien Driant. Le sérieux orchestre niçois empruntait là un chemin buissonnier entre un concert Mahler et une soirée Schönberg.
Quand le spectacle arriva à sa fin, on se dit qu’il fût bien court. On aurait volontiers entendu encore quelques autres airs célèbres. On en aurait voulu davantage. Cela est la preuve qu’on avait passé un bon moment !
André PEYREGNE