De la ruelle qui longe l’Opéra de Nice, on aperçoit la mer, les palmiers, et une entrée discrète du théâtre, l’entrée des artistes, un nom qui suscite la curiosité et la discrétion. Découverte de l’envers du décor, de ses mystères.
De petits pas rapides et légers claquent dans l’escalier. Veronica Colombo apparaît, délicate et pétillante. Son accueil chaleureux et son accent italien léger donnent la couleur de la rencontre, vive et ensoleillée.
Un labyrinthe de couloirs nous mène à une loge de la salle où nous nous installons, face à la scène, là où tout se passe, les rêves, les émotions et les partages. Dans la salle vide et silencieuse, l’imagination joue quelques notes de piano, chante un air d’opéra, reflète le mirage d’une danseuse évanescente. Les vibrations sont troublantes, et l’immersion totale, au cœur de l’Art.
Dans ce décor hors du temps et de la vraie vie, Veronica Colombo évoque son enfance, celle d’une petite fille passionnée de danse, que rien ni personne ne prédestinait à une carrière artistique. Une vocation était née. Devant sa détermination, sa mère l’inscrit dans une école de danse de sa petite ville de Lombardie. Très vite, ses capacités et sa passion innée sont reconnues. Encouragée par son professeur et soutenue par sa famille, elle entre à l’école de danse de la Scala de Milan. Elle poursuit ses classes avec succès et comme une évidence, comme si sa vie n’avait pu être dirigée autrement, la petite fille qui rêvait de pointes et de tutus devient danseuse professionnelle, et intègre le Ballet de la Scala. Entre rôles du répertoire et créations contemporaines, elle vit son rêve, et exalte sa passion. Engagée au Teatro del Maggio musicale fiorentino, elle quitte Milan pour Florence, et continue de nourrir et perfectionner son art. Artiste dans l’âme, Veronica Colombo est sensible à tous les arts. Dans cette ville qu’elle affectionne particulièrement, la danseuse est heureuse, et les jours de relâche, son goût et son œil d’esthète profitent des richesses artistiques de cet écrin de la Renaissance italienne.
Si les beautés de la capitale toscane enchantent son quotidien, la curiosité artistique de Veronica Colombo la pousse à d’autres découvertes. Sa formation classique, fidèle à « l’école française », lui inculque les références de l’Opéra de Paris. Imprégnée de la noblesse artistique de ces modèles prestigieux, et de l’élégance à la française, l’artiste se tourne vers de nouveaux horizons, de l’autre côté de la frontière.
En 2010, Veronica Colombo auditionne à l’Opéra de Nice et est immédiatement engagée. Le dépaysement est léger. Après tout, Nice n’est française que depuis un siècle et un peu plus ! Auprès d’Eric Vu-An, la danseuse approfondit encore son travail, peaufine la pureté du mouvement, et recherche la sincérité de l’émotion. L’exigence et le talent du directeur du Ballet Nice Méditerranée élèvent la danseuse vers l’excellence, qui lui témoigne une respectueuse et profonde reconnaissance.
Quatorze ans ont passé depuis son audition à l’Opéra de Nice, et Veronica Colombo est animée du même enthousiasme, de la même envie de découvrir, ressentir, et partager d’autres moments artistiques. Le travail avec de nouveaux chorégraphes attise sa curiosité d’autres visions de la danse, d’autres émotions. Son titre de soliste lui offre récemment le rôle culte de Giselle, chorégraphié par Martin Chaix. Veronica Colombo est touchée par le nouveau scénario du ballet, revisité et engagé. Avec conviction et émotion, elle incarne magnifiquement le parcours de la jeune femme amoureuse qui, en défendant le bien, parvient à vaincre le mâle. Dans des créations plus contemporaines, le goût de la danseuse pour l’interprétation apporte le sens et l’intensité aux œuvres car au-delà de la technique, Veronica Colombo est une interprète authentique. Dotée d’une grande sensibilité, elle ressent tout ce qui l’entoure. Dès les premiers pas sur scène, le trac de la danseuse perfectionniste s’envole, et laisse place aux émotions de l’artiste. Devant une salle comble, elle perçoit les vibrations du public silencieux. Dès les premières notes, la musique touche son cœur et résonne dans son corps. L’art s’empare de l’artiste et lui prête son langage. La danseuse est alors messagère, d’images et d’émotions, qui traversent la salle et atteignent le public, charmé.
Les soirées de Ballets présentent plusieurs distributions et dans « Coppélia », Veronica Colombo est « une amie » vive et pétillante de Swanilda. Avec le même enthousiasme, elle se conforme à la précision rigoureuse des ensembles, et partage avec joie la complicité de ses amies malicieuses.
Si les premiers rôles sont un grand bonheur, chaque personnage à jouer est un plaisir pour Veronica Colombo. Avec humilité et curiosité, elle s’implique pleinement dans son travail d’interprétation, et sa générosité naturelle apporte la vérité à l’émotion. Si les compliments sont certes flatteurs, la danseuse est profondément touchée lorsqu’elle sait avoir transmis et partagé les émotions d’un moment d’évasion artistique.
A la scène comme à la ville, Veronica Colombo est entière et généreuse. Avec empathie, elle garde un œil bienveillant sur les nouvelles venues dans le Ballet, et n’hésite pas à être à leur écoute et à les conseiller. La vie d’une compagnie est semblable à celle d’une deuxième famille et dans certains moments, parfois éprouvants, son sourire et son sens de la solidarité fédèrent et ravivent le moral de la troupe, et des troupes !
Lorsqu’elle n’est pas en répétition, Veronica Colombo prend soin de son corps et depuis plusieurs années, pratique la méthode Pilates. Ce travail lui apporte un équilibre et un bien-être qui, associé aux exercices quotidiens à la barre, lui permet de conserver une condition physique et un niveau optimaux. Pour une totale détente, la danseuse participe parfois à des cours de jazz, pour le plaisir d’autres voyages chorégraphiques et musicaux.
Si la danse et la musique rythment la vie de Veronica Colombo, l’œil et la créativité de l’artiste sont omniprésents. Laissant libre cours à ses inspirations, elle crée des objets de décoration, et dès le printemps, prend soin et profite des fleurs de son jardin.
Son métier est son bonheur, ses loisirs un équilibre personnel. Mais pour Veronica Colombo, l’important est de partager cet épanouissement. Naturellement altruiste, elle aime transmettre, et offrir le bien. Le temps d’un spectacle, d’une rencontre, ou d’une visite dans un hôpital pour enfants, elle cherche à faire de chaque moment un moment de bonheur. Elle offre une attention, une complicité, comme elle offre un bouquet de fleurs, pour le simple retour d’un sourire. Et qu’il soit lors d’un échange, ou simplement contemplatif, ce bonheur partagé et désintéressé nourrit l’âme bienveillante de cette esthète de la vie.
Peut-être un jour Veronica Colombo transmettra-t-elle à son tour son savoir artistique et sa connaissance des bienfaits corporels au travers d’une méthode personnelle, et dans un lieu décoré par ses soins !
Aujourd’hui, Veronica Colombo a magnifiquement incarné un métier, un nom, un adjectif ou tout simplement un état d’être, artiste. A l’Opéra de Nice, il flottait un air au charme de dolce vita, et dans la salle vide et silencieuse, brillait un joli rayon de soleil.
SATINE
10 Octobre 2024