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GIOVANNI ANTONINI ET FATMA SAID, APÔTRES DE JOSEPH HAYDN À LA PHILHARMONIE DE BERLIN

GIOVANNI ANTONINI ET FATMA SAID, APÔTRES DE JOSEPH HAYDN À LA PHILHARMONIE DE BERLIN

vendredi 1 novembre 2024

La cantatrice égyptienne Fatma Said, nouvelle venue sur la scène de la Philharmonie de Berlin – N. N.

Les rues de la capitale allemande sont pleines d’enfants déguisés, fêtant Halloween. Les environs immédiats de la Philharmonie se voient remplis de mélomanes se précipitant pour y écouter la soprano égyptienne Fatma Said (*1991), effectuant ses débuts dans l’auguste salle. Emmené par le chef italien Giovanni Antonini (*1965), l’Orchestre philharmonique de Berlin (OPB) glorifie le classicisme viennois comme si on était à l’Olympe. Le public en redemande. À juste titre. Antonini est devenu un interprète majeur de Haydn.

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Depuis ses débuts à l’OPB en 2004, Giovanni Antonini y aura amené une gestique et une dramaturgie des mouvements au pupitre le distinguant de celles de ses confrères d’Europe centrale. Offrant un spectacle en soi, le fondateur de l’excellent ensemble Il Giardino Armonico utilise l’extraversion. Il suscite des résultats impressionnants quand il se confronte à Haydn et à Mozart grâce à deux symphonies et à une cantate du premier. Comme grâce à des extraits de la musique de scène pour « Thamos, roi d’Égypte » K. 345 du second. La volonté artistique d’Antonini emmène les champions rassemblés autour de lui à être que muscles et nerfs, énergie et brillance dans un répertoire où ils ne jouent pas sur instruments anciens. Cependant, un bassoniste s’assied juste à côté des contrebassistes durant la Symphonie n° 44 dite « Funèbre » de Haydn. L’équilibre timbrique l’exige. Une harpe assure – avec le clavecin – le continuo durant la cantate « Arianna a Naxos ». Autrement dit, les enseignements stylistiques de Nikolaus Harnoncourt sont suivis.

Le programme berlinois des 31 octobre, 1er et 2 novembre 2024 s’avère riche en surprises. Pour la première fois de leur histoire, les philharmonistes donnent la Symphonie n° 54 de Haydn, révisée en 1776. L’énergie insufflée par Antonini  y est telle qu’on imagine aisément ce que sera son intégrale des cent quatre ( !) symphonies du même compositeur, en cours de réalisation avec Il Giardino Armonico et l’Orchestre de chambre de Bâle, devant être achevée en … 2032. Quant à la cantate « Arianna a Naxos », l’OPB l’aura jouée une seule fois dans son histoire. En 1888. Cent trente-six ans après, elle retentit pour les débuts de Fatma Said parmi une enceinte légendaire. Célèbre pour son combat en faveur des grandes causes humanitaires, cette très belle jeune femme paraît en portant une robe couleur harissa pleine de scintillements. Elle nous livre, avant Richard Strauss, les tourments de l’ancienne aimée de Thésée. Manifestement, Fatma Said est douée pour l’expression dramatique. Elle sait peut-être que les deux récitatifs et les deux airs écrits en 1789 par Haydn sont la maquette du spectaculaire  « Ah perfido ! » opus 65 de Beethoven, achevé sept ans plus tard. Le style et la voix de la soprano ressemblent à ce qu’offrait à ses débuts Barbara Hendricks. Ils ont une texture différente de l’expression assez marmoréenne de Dame Janet Baker ou de l’engagement déterminé de Joyce di Donato au long de la même œuvre. Quant au bis d’usage, il est consacré à « When I am laid », air fameux du « Didon et Enée » de Purcell, crée un siècle avant la cantate de Haydn.

Mozart, grand admirateur de Haydn, clôt le programme avec cinq fragments superbes de la musique de scène pour « Thamos, roi d’Égypte » K. 345. Leur système d’orchestration est très différent de celui propre à Haydn, d’où un contraste bienvenu. On a également l’intelligence de ne pas présenter ces pièces en faisant dire à un acteur des textes intermédiaires, évitant peut-être ainsi des moments de déclamation emphatique, voire boursoufflée. Une fois encore, Antonini est le vainqueur de la soirée. Si, depuis les époques de Fritz Reiner et de Antal Doráti, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du fleuve Haydn, il a désormais deux interprètes majeurs  parmi les chefs d’orchestre : l’Italien et son confrère hongrois Ádám Fischer.

Dr. Philippe Olivier

 

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