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Disque La Vie parisienne (Bru Zane)

Disque La Vie parisienne (Bru Zane)

mercredi 16 octobre 2024

©Bru Zane

Le label Bru Zane vient d’inscrire à son catalogue dans sa collection « Opéra français » La Vie parisienne de Jacques Offenbach. Il s’agit de la nouvelle version éditée et portée à la scène en 2021 par le Palazzetto Bru Zane et divers coproducteurs pour le spectacle. Cette Vie parisienne a été donnée dans six Maisons d’opéra dans une mise en scène de Christian Lacroix, dont le théâtre des Champs-Élysées où elle a remporté un grand succès.

La captation discographique a eu lieu à Toulouse en janvier 2023, une version concertante à la Halle aux Grains avec l’Orchestre et le Chœur du Capitole ayant permis, outre le concert, un enregistrement étalé sur quatre jours.

Cette nouvelle version est relativement éloignée de la version traditionnelle qui avait cours jusque là : qu’il s’agisse de celle de 1873 en 4 actes la plus souvent jouée mais peu prisée d’Offenbach, semble-t-il, ou de celle de 1866 en 5 actes reprise dans quelques productions et qui a permis de rétablir ce qu’on a appelé « l’acte de la baronne ». Notons que cette dernière version plus équilibrée dramatiquement fait entendre un acte IV pauvre en musique.

L’actuelle version reconstruite n’avait jamais été donnée même si les représentations du Festival de Bruniquel en 2013 en avait fait entendre l’acte IV.

L’enregistrement de Bru Zane correspond à La Vie parisienne qu’Offenbach aurait aimé pouvoir faire jouer s’il en avait eu les moyens. Dans les semaines qui précèdent la création les comédiens du Palais-Royal ont du mal avec plusieurs numéros musicaux. L’ampleur du projet est en cause, tout autant que les modifications de texte qu’il faut opérer dans un climat géopolitique européen délicat. Face aux difficultés rencontrées, Offenbach et ses librettistes se rabattent sur un spectacle plus modeste en sacrifiant beaucoup de musique déjà prévue ou écrite et en remplaçant certains numéros par d’autres plus faciles à chanter.

La trame sur laquelle se fonde la nouvelle édition est celle contenue dans le livret d’origine, notamment celui qui a été présenté à la censure.

La musique a pu être restituée à partir de plusieurs sources ignorées pour la plupart jusqu’à ce jour : principalement la partition d’orchestre autographe d’Offenbach (Julliard School, New-York), divers fonds conservés au théâtre du Palais-Royal, mais surtout au théâtre des Variétés, certains sous forme de palimpsestes, d’autres plus lisibles comme celui de violon conducteur.

Notons que dans ses grandes lignes l’intrigue de l’opérette n’est pas modifiée, mais elle est rendue plus cohérente et compréhensive, surtout plus musicale, la qualité et l’intérêt des nouveaux airs ou ensembles en témoignant. Parmi ces derniers, entre autres, on peut citer : à l’acte III, l’air d’Urbain, le « Trio diplomatique », le quintette « Ah ! Qu’il est bien » et le Finale enrichi de la « Chanson de la balayeuse » et de la « Pastourelle » ; à l’acte IV (se déroulant le lendemain de la fête toujours à l’hôtel de Quimper-Karadec), le « Fabliau » de la baronne et un ensemble de solistes à 13 personnages ; à l’acte V un « Charivari ».

Les numéros préexistants comme les nouveaux ajouts sont sourcés et commentés dans le livre disque.

47 ans plus tard

En 1976 Michel Plasson enregistrait avec les forces du Capitole (orchestre et chœur) la première grande intégrale de La Vie parisienne. Dans la version de 1873, la seule en cours à l’époque et qui est pratiquement deux fois plus courte que l’actuelle, il réunissait dans les principaux rôles Régine Crespin (Métella), Mady Mesplé (Gabrielle), Michel Sénéchal (Gardefeu) et Michel Trempont (Bobinet).

47 ans plus tard c’est une distribution également vocale qui est défendue par le Palazzetto Bru Zane. Le problème ne se posait évidemment pas de prendre une distribution de comédiens (seule Zulma Bouffar dans Gabrielle était à la création une chanteuse lyrique), la troupe du Palais-Royal ayant hypothéqué la version voulue par le compositeur.

On ne reviendra pas longuement sur la qualité des voix déjà chroniquées par nos soins dans le compte rendu du concert et des séances de l’enregistrement réalisé à Toulouse ; on lira également notre interview d’Alexandre Dratwicki ; voir Opérette Théâtre Musical, no 207 pages 26-27 et le site théâtre musical opérette, archives, n°207.

Ce sont deux chanteuses lyriques habituées à l’opéra qui interprètent les deux principaux rôles féminins, Anne-Catherine Gillet dans Gabrielle sublime le rôle créé par Zulma Bouffar et Véronique Gens dans Métella fait de ses deux arias de grands moments de répertoire. On retrouve Sandrine Buendia, malicieuse baronne, mais aussi raffinée dans son « Fabliau » et Elena Galitskaya, Pauline à laquelle son air dans le quatuor exhumé de l’acte IV donne beaucoup d’allant et de musicalité, qui ont été affichées plusieurs fois dans la production sur scène. Ce fut le cas pour plusieurs des autres rôles distribués à des chanteuses lyriques connues, habituellement premiers plans : Louise Pingeot (Clara), Marie Kalinine (Bertha), Marie Gautrot (Mme de Quimper-Karadec), Caroline Meng (Mme de Folle-Verdure), les quatre rivalisant de fibre comique dans des emplois que la scène expose plus que le disque.

Michel Plasson avait déjà rétabli dans leur exacte tessiture Gardefeu (ténor) et Bobinet (baryton). Dans l’actuel enregistrement ce sont Artavatz Sargsyan, scrupuleux chanteur, et Marc Mauillon, brillant Bobinet, qui interprètent respectivement les deux rôles. Jérôme Boutillier, baryton éloquent, est un jeune Baron de Gondremarck, mais pourquoi pas. Pierre Derhet à l’élocution sans faille est d’autant mieux choisi pour le Brésilien que l’air célèbre à défendre est donné dans sa version intégrale ; il est aussi le Major Frick. Urbain qui avait posé tant de problèmes à la création est donné à un vrai baryton, solide et expressif, Philippe Estèphe à qui revient également Alfred dont l’attribution a varié selon les versions. Enfin à Carl Ghazarossian échoit très naturellement un Prosper bienvenu.

Romain Dumas a participé à la mise au point de la partition ; à la tête de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse il prend avec une battue envoûtante la suite de Michel Plasson. Le chœur est celui très renommé et excellentissime du Capitole.

Didier Roumilhac

Direction musicale : Romain Dumas
Gabrielle : Anne-Catherine Gillet
Métella : Véronique Gens
La Baronne de Gondremarck : Sandrine Buendia
Pauline : Elena Galistkaya
Clara : Louise Pingeot
Bertha : Marie Kalinine
Mme de Quimper-Karadec : Marie Gautrot
Mme de Folle-Verdure : Caroline Meng
Gardefeu : Artavatz Sargsyan
Bobinet : Marc Mauillon
Le Baron de Gondremarck : Jérôme Boutillier
Le Brésilien / Le major Frick / Gontran : Pierre Derhet
Urbain / Alfred / Un employé : Philippe Estèphe
Prosper / Joseph / Alphonse : Carl Ghazarossian

Orchestre national du Capitole de Toulouse
Chœur de L’Opéra national du Capitole de Toulouse

2 CD, « Opéra Français », Bru Zane, 2024, autour de 28 € selon les distributeurs

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